Luigi Celi ou le secret du souffle

Luigi Celi vit et travaille à Rome.

Son appréhension du "réel" comme celle de la poésie permettent soit dans la syncope et le spasmodique soit dans le chant plus largement lyrique l'avènement  et le surgissement qui secouent les poches de silence de l'être. Soudain le clavier des sens ouvre l'écriture à des perspectives ailées. La poète n'a cesse de partir, revenir, défaire, rebâtir dans le ressac de ses phrases ou de leurs lacunes afin d'arracher à l'innommable un peu de son secret.  Loin des mélancolies et des nostalgies  l'auteur - sous l’égide de T.S. Elliott et Dante -  réinvente le secrets de leurs souffles, crée le trouble afin de nous plonger dans le maintenant d'un autre temps, puisque sa poésie n'a cesse de décaler ce qu'on peut appeler le réel ou la présence au profit d'ombres de lumières.

 

Ouvrant de ses vers somptueux aux soupçons de l’existence, le poème ne cherche jamais à grimper au rideau des apparences dans un envol triomphal. Il se "contente" de creuser la langue jusqu’à l’impossible pour saisir des rapports ignorés et pour faire imploser ce qu'il en est de l'état de crise voire d'inexistence de l’être. Ce n'est plus seulement la force de déclamation, la naïveté de l'élan mais le manque qui sauve la vie grâce la poésie. Elle fait vibrer la blancheur de la page blanche jusqu'à offrir au lecteur à la fois un peu de sens à l’état pur et un peu de vérité supérieure. Celle-ci émerge comme le point de vibration le plus intense. Au dévers du sensoriel (qu'il ne faut pas confondre avec l'affect )  et en prenant la vie à l'envers  la poésie devient une suite d'empreintes sur la neige au nom peut-être de ce qui fut trop brûlant et s'est métamorphosé en glace et qu’il s’agit de faire renaître des cendres congelées de l’existence. Celi oblige à fréquenter les limbes du langage et à habiter l’intervalle entre ce qui est et ce qui cherche à se dire.  Le poème donne à entendre un peu de l’inarticulable et induit chez le lecteur une attitude mentale particulière. Il lui faut se laisser envahir par un flux brisé comme par un chant ample aux confins du silence (de mort) afin que surgissent les échos de ce qui modifie notre rapport au langage, au monde, au temps, bref à nous-mêmes.

 

Jean-Paul Galard-Perret


Luigi Celi, « Dialogue poétique avec les Quatre Quatuors de T.S. Eliott », Traduction de Philippe Démeron, Les Citadelles, Paris, 2014.

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