Sybille Grimbert : Le fils de Madoff

Élevé dans les plus beaux appartements, admis dans les écoles les plus prestigieuses, passant ses étés dans les Hamptons, ses hivers à Vail, le fils de Sam Green a eu jusqu'à la catastrophe une vie dorée sur tranche. 

Il a pleinement conscience que ses capacités n'avaient pas grand chose à voir avec son train de vie fastueux. Les maîtres d'hôtels lui réservaient les meilleurs places au restaurant, il se demandait le soir en s'endormant quelle nouvelle paire de souliers sur mesure il allait s’offrir le lendemain.

Et puis son père a failli, ou du moins l'escroquerie de son père a été mise à jour. La pyramide de Ponzi s'est écroulée, Bernard Madoff a été arrêté, son fils -le fils de Sam- est devenu paria. Libre mais rejeté par tous : " quelqu'un m'a craché dessus aujourd'hui"…dit-il. Il n’en est pas surpris, il attendait ce moment.


Il passe la moitié de son temps à s'excuser, l'autre en compagnie de ses avocats en imaginant le jour  certain où il sera assassiné.


Pourtant il n'était pas dans le secret des dieux. Il n'appréciait pas son père même s'il travaillait avec lui, il aime encore moins sa mère dont l'avidité et la vacuité intellectuelle le révulsent.


Le fils de Sam Green est taraudé par le doute : avait-il compris que la machine financière promettant des intérêts entre 10 et 12% n'était qu'un leurre ? Est-il complice en n'ayant pas voulu voir et dénoncer l'évidence ou a t-il été comme tout le monde victime de cet escroc même pas flamboyant ?


Sybille Grimbert cite la phrase de Shakespeare : "le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes ou femmes n'y sont que des acteurs".

 

Le fils de Sam a t-il été maître de son propre destin ou victime de son milieu, de son manque de talent ? N'était-il pas plus confortable de ne rien remarquer, de se taire pour conserver l'appartement avec vue sur Central Park, les amis brillants, la quiétude d’une vie  protégée ?


Sans doute mais l'auteur laisse entendre et c'est là tout son talent que s'il restait muet, il n'en avait pas moins saisi l'importance du naufrage qui se préparait. Et que cette intuition lui rendait les jours impossibles.


Elle dresse en creux le portrait d'un garçon puis d'un homme sacrifié par son père. Négligé, considéré comme un minable dans l'opulence de la famille, immolé sur l'autel de la faillite ensuite. Perdant sa femme, son enfant. Son existence ne se résumant plus que par une phrase : « le fils du plus grand escroc de tous les temps ».


Le livre prodigieux d'intelligence  dessine en creux le quotidien d'un homme à bout de forces qui va mourir. 
En effet, le fils de Bernard Madoff dont elle s'est inspirée  très librement n’a pas été tué mais s’est suicidé deux ans après l'affaire.


Brigit Bontour

 

Sybille Grimbert, Le fils de Sam Green, Anne Carrière, août 2013, 190 p., 18 € 

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