La vie littéraire d'Arnaud Viviant
La vie critique aurait pu être une jolie promenade sucrée dans un Paris de carte postale, ponctuée de réflexions sur le métier de chroniqueur littéraire.
A quoi sert-il ? En gros, à rien, sinon à se gaver de livres comme un antique dinosaure, de feuillages en tous genres à la veille de l’extinction. Il n’est, ce critique, qu’un vieil enfant gâté qui à défaut de vivre sa vie la rêve à travers les mots des autres.
Un gisant, lisant dans une addiction absolue : « la lecture, moins un
vice impuni qu’un vice aujourd’hui passible de mort lente ». Cette vie
critique aurait pu être un roman à clés, un récit paresseux écrit avec
vivacité, une longue ballade ivre à
scooter entre le Flore et la maison de la radio, Drouant et le salon du livre.
On en revient toujours à la littérature qui n’est pas un « boulot de fils
ou de fille de, contrairement au cinéma ou à la chanson ». Le gage de son
intégrité.
Wirginia Woolf fut chroniqueuse littéraire avant de lester ses poches de pierres. Il fallait bien vivre. Comme aujourd’hui où l’homme de l’art s’étrangle à la vue d’une facture de gaz, s’émeut de gagner si peu. « Aucun enfant ne rêve d’être critique » disait Truffaut. Sauf Viviant qui, à quinze ans écoutait en cachette Le masque et la plume le dimanche soir. Et qui quarante ans plus tard se fera virer de cette même émission. Limogeage qui lui vaudra de voir son salaire amputé de 25 %, soit 250 euros. On voit quel train de vie mènent les critiques parisiens. Bien sûr pour compenser cette pauvreté matérielle, les rencontres sont d’une grande richesse : chaque année il a le privilège de déjeuner avec Amélie Nothomb dans un chinois de Belleville, on lui offre un voyage en Suisse pour une conférence où 8 personnes seront présentes…
Arnaud Viviant « trop vieux, trop moche, trop gros » comme il se décrit lui-même en has been de l’ère numérique passe de Debord à Sartre, démolit Onfray, dresse au hasard de ses pérégrinations des listes d’écrivains motards, cherche des titres de romans qui se déroulent dans un train, compose une liste des auteurs morts dans des accidents de voiture ; se rend chez un psy très improbable, participe à des séances SM qui ont tout du grand guignol.
La vie critique aurait pu être légère et frivole mais le livre d’Arnaud Viviant est profond et mesuré, triste comme le temps qui passe, inclassable et beau comme la littérature et tous ses amoureux.
Brigit Bontour
Arnaud Viviant, La vie critique, Belfond, août 2013, 187 pages, 17,50 €
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