Quand Marco Del Re vide les étangs d’ombre pour voir les poissons rouges

 

Marco Del Re, « Fables, contes et métamorphoses », Galerie et Editions Maeght, Paris, Catalogue par Olivier Kaeppelin, exposition du 18 octobre – 14 décembre 2013.

Depuis plusieurs années Marco Del Re est un des artistes majeurs de Maeght. Il correspond tout à fait à l’esprit original de la galerie en prenant à contre-pied toute une esthétique ambiante. On se souvient de la quarantaine d’œuvres de la série « Villa Les Rêves ». L’artiste proposait un exercice de style sur la peinture. Sa technique se mêlait à ses fragments de mémoire. Ses grands espaces italiens contrastaient avec le motif de l’atelier, lieu clos où s’absorbe sa vie et s’accomplit son œuvre et ce au moment où  la sculpture donnait une nouvelle dimension à son goût pour les formes et les volumes. A travers ses sculptures bifaciales comme « Crocodile-feuille » (2008) où une feuille et un crocodile se mixaient en  une nouvelle forme née de leur réunion. On retrouve cette perspective dans les œuvres présentées aujourd'hui.

Fidèle à Matisse Del Re réoriente son travail vers les couleurs vives comme vers les noirs profonds et les formes en explosion. Il oppose  légèreté et  joie de vivre aux angoisses et doutes de l’époque. Une telle liberté et alacrité déroutent. L’artiste n’en a cure. Ses silhouettes volontairement mal équarries imposent leur prégnance au sein d’un univers fantasque et fantasmagorique  inspirées par le maître littéraire des métamorphoses : Ovide. Gouaches et encres épurées sur papier,  huiles sur  toile ou papier fascinent par leur présences parfois rupestres, parfois baroques.

L’artiste ose s’amuser face à la vieillesse du monde et le poids de l’histoire. Il serait facile de le prendre pour un primesautier qui verrait le monde par le petit bout de sa lorgnette. Ce serait néanmoins être victime de myopie. Le peintre italien propose un subtil jeu du chat et de la souris. Frivoles et sérieuses, allumées et lucides ses travaux décapent le regard de bien des illusions d’optiques. L’ornemental est remplacé par l’organique à travers une exploration de la grâce et du caprice, des fêtes galantes et des plaisirs du corps. Un érotisme implicite se déchaîne contre tous les vœux de chasteté. A ce titre Del Re est plus du côté de Casanova que d’un Robespierre. Au tragique il préfère les bacchanales. Loin des roueries et pompes le caprice retrouve sa place. Dans le brut et capiteux Eros reste le seul dieu propice aux fêtes païennes du et des sens.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

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