Edens de Gilda Richet

 

 

L’air qu’on respire sans laisser de traces donne lieu dans les peintures de Gilda Richet à d’autres traces ou leurs glissements, leurs passages. A l’intérieur des êtres ou comme des animaux  il y a une vie maintenant. Surgit aussi un mouvement étranger à la mémoire avec en filigrane les questions du lieu et de la circulation du temps.  L’artiste paradoxalement est aussi l’image. Dès le matin elle sait que l’ombre se fait.  C’est pourquoi elle s’accroche à la couleur comme le font les hommes à une de ses odalisques. La peinture surgit des images de fonds de la créatrice. Par effet de surface elles se construisent en épaisseur diaphane par la caresse du pinceau sur la toile. L’opaque du réel est alors dépassée là où chaque peinture peut mélanger ses couches en s’inversant, s’étalant… Juxtaposées, elles proposent un étirement dans l’espace tant l’artiste met en évidence des potentialités plastiques des corps qu’elle explore. Leur migration, leur déplacement sont sujets à la réflexion et alimentent son travail. Le ludique, l'humour, l'amour, l’intimité s'immiscent dans ses œuvres.

 

La narration se fait parfois érotique mais de manière pudique. Même si les couleurs et les lignes parlent insidieusement à la recherche du corps (humain ou animal) et de sa rencontre. Dans la fraîcheur de l’image un paradis terrestre n’est pas loin. Par des élans de lumières se brise l’obscur. La débandade des horizons permet d’atteindre les confins où s’amorce la fragilité de l’intime. Promesse de l’écorce rompue, odeur entêtante, densité paradoxale. Si proche, si loin. Si loin, comme derrière le regard. Une rupture s’annonce sous l’écharde des élancements de lumière. Le monde lui-même  bascule, s’échappe, s’envole. Comment tenir debout en ses suspens et ses glissements de niveaux ? Des formes adjacentes il convient de suivre leur sillage, leur mouvement. Parler d’image ne convient plus. Il s’agit de son recul et de son avancée, de son avant et de son après.

 

La peinture saisit par le revers ce qu’on oublie de contempler avec nos regards aux paupières de porcelaine. Il y a une moisson de formes que nos paumes ne pourront pas ramasser ou caresser. Il y a le ciel au-dessus, ici-même, ici-bas. Cela s’appelle Eden et enclos. L’artiste y noue des entrelacs, crée des enchâssements qui font enfler l’intensité lumineuse.  Soudain l’audace ailée des migrateurs n’est plus utile. La sérénité possède la voix de la lumière qui devient étreinte ou chevet en prenant appui sur l’instant le plus fugitif. Gilda Richet  exile en ses traversées. Chaque pan de lumière vit là où les formes croisent leurs lances fragiles et drues en une poétique subtile de l’espace.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

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