Les émulsions du réel de Valérie Jouve

Le ciel bleu sombre sous le poids des murailles. Une femme – silhouette errante - retrouve sa maison de l’être au cœur du noir. On voit ressurgir à la réalité d’une double mémoire : juive d’un côté, palestinienne de l’autre. Les deux gardent « Un Etat » en otage. Fantôme que fantôme, masse immobile. La rue quotidienne devient le plus anonyme des paysages intérieurs et réincarne dans le présent un voyage au cœur des dédales du réel.

 

Corps et lieux  sont comme fixés dans un temps sans temps, un temps à l’état pur. Si les photos sont prises dans les territoires palestiniens, ces derniers ne sont pas forcément désignées et fléchées comme telles. Valérie Jouve met de la distance entre ce qu’elle choisit de montrer et ce que les images de reportages médiatiques exhibent habituellement. Pour elle en effet témoigner ne suffit plus même si la photographie ne peut rien sinon à soulever des utopies qui la font vivre.

 

L’essentiel de son approche tient d’abord à la rencontre d’êtres auxquels l’artiste donne par sa re-présentation une valeur universelle et non réductrice à une histoire et une géographie. Elle ne cherche donc pas à jouer les reporters « engagés » mais crée – comme elle l’écrit -  « un rapport très immédiat et affectif à cette société ». Surgit une  volonté poétique d’enrichir et de dépasser l’histoire et le temps afin de mieux permettre de ressentir l’éclatement des possibles.  D’où  la tension entre une prise en compte  du fini de la condition humaine et d’un infini singulier inhérent à chaque culture.

 

La photographie devient l’action dont le but  est de provoquer des développements qui dépassent l’espace et la problématique du lieu.  Là où sous un double pays plein d'armes la mort rode le soleil ouvre néanmoins une énorme volute de chair. Témoin des victimes innocentes de l’échec des stratégies politiques la photographe sort de l'évènementiel et du référentiel. Ses œuvres deviennent avènementielles face au regard de Dieux - si proches mais si éloignés par la loi des hommes - qui revendiquent tous une exigence de globalité.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Valérie Jouve, Un Etat, Galerie Xippas, Paris, 2013

 

 

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