Par le recouvrement, les traces – Laurence Courto

Avec le temps, tout se décante. Et au besoin il faut élaguer encore afin que demeure l’essentiel. Restera in fine ce que fait le geste et où demeure une émotion de l’être.  D’où les présences immémoriales dans les œuvres de Laurence Courto. Ce sont autant de signes, de lettres perdues ou de notes de  musique d’une partition oubliée. Le tout en des strates de matière sur les remous du papier. Elles se surimposent à d’autres, les recouvrent  laissant çà et là la possibilité d’une lecture qui paraît « aléatoire ». Tout est collage. Mais bien plus encore puisque Laurence Courto travaille ces strates. Elle en dénoue les fils, propose des transpositions avec parfois l’intervention  « accidentelle » des plis  d’un voile dont la douceur recouvre faiblement le trait.

 

L’essentiel ne passe plus par les mots et tout devient signe. Signe vécu. En un territoire de traces la mémoire devient image d’un passé donné comme  sillon, nervure, appel, geste, figure, manifestation. Tout devient idéogramme,  par le recouvrement les traces, de  l’en dessous, de  l’indicible et du –jusque là – impalpable. Afin d’aboutir à ce résultat Laurence Courto fouille, enquête, sonde, gratte afin de dégager la mémoire la plus profonde par une archéologie en acte et sa représentation travaillée pour qu’en surgisse l’émotion la plus forte et sans accorder la moindre place à ce qui ferait décor ou ornementation, bref simulation et simulacre.

 

Chaque œuvre devient un parcours de traces en fissures, raies, sillages, plis. L’armature des tensions tient de la sédimentation orientée vers le surgissement d’images solaires. Comme la vérité selon Victor Hugo  un tel travail « fait tout voir et ne se laisse pas regarder ».  C’est à ce vaste et exigeant programme que Laurence Courto reste attachée. La rythmique venue de son corps et de son âme passe par les gestes et ce qu’ils laissent à la surface de chaque pièce.  Elle mène à l’empreinte la plus viscérale : celle que l’auteur estime juste et transmissible. Il faut pour cela une belle audace et un travail d’ascèse. Sous le joug de cette nécessité l’artiste s’approprie l’espace afin que les images apparentes s’effacent pour laisser surgir une matrice rupestre. Peu à peu , ayant existé quelque part, ayant vécu sa propre vie elle revient. Il faut pour cela un travail de reprise incessant : l’artiste suffisamment déstabilisée  de ses propres repères est alors prête  à en accueillir d’autres qui jusque là – pour elle comme pour le regardeur - ne se laissaient ni voir, ni penser.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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