Eros Limite : Gregory Forstner

La peinture de Forstner multiplie le réseau du mystère de l’être et une mythologie de l'incarnation féminine. Il ne s’agit plus et simplement «  de rappeler l'homme aux choses spirituelles par le mystère de son corps » (Saint Thomas d’Aquin) : l’artiste montre ce qui fait de l’homme un animal. Il distingue aussi ce qui est féminité  et ce qui est Femme. Il introduit divers types de mutations dans lesquelles le chemin à parcourir est immense. Car imaginer n’est jamais restreindre  mais développer le monstre. L’artiste ne s’en prive pas. Ayant fait ses classes autour de Bellmer, surgissent des échos en une fête païenne. La femme est déjà fée car sortie de sa chrysalide mais son efflorescence et l’éclat de sa magie sont largement grevés par les sales pattes du mâle.

 

Dentelles, remous, fragrances sont au prise avec l’animalité. Le royaume féminin est habité de porcs qui au lieu de séduire en apprivoisant une exaltante suavité s’emparent du corps à la vitesse de la lumière.  Face à l’archange ils sont le plus souvent déchaînés.  Surgit peu à peu le trop plein. La rose de personne est arrachée dans ses dunes. L’étoile de mer est déchirée comme l’est sa robe de dentelles. La femme se prend, dénudée sans grande formalité. Ne reste dans  l'épreuve du désir qu’une transgression basique dont la sylphide devient  la " pierre vivante".  Elle semble accepter ce deal mais se fait voyeuse des animaux malades de leur peste sexuée. Le tout avec allégresse. Forstner crée une fête. Il possède le pouvoir  mystérieux de transformer le corps physique, vulgaire, en corps qui  porte et supporte le mystère. L'érotisme s'élève contre tout effet de simplification. Un rien naturalisée la féminité  apprend à se méfier de sa propre séduction. Le « réalisme » ou plutôt la figuration rapproche inconsciemment d’un souffle de l’origine et de la « nuit sexuelle » dont on ne saura jamais rien sinon ce que le peintre en suggère en des « sanglots ardents » dont parlait Baudelaire.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

De Gregory Forstner « Le premier tableau », Editions de la Salle de Bains, 12 €

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