Jane Evelyn Atwood photographe des marges

Tendues par des talons-hauts, galbées par des bas les jambes des femmes deviennent parfois les partitions de Jane Evelyn Atwood. De telles égéries sont pourtant plus opératrices qu’impératrices par leur métier (le plus vieux du monde). Ce qui n’enlève rien à leur mystère et leur intégrité. Elles ont entre 18 et 50 ans et sont de toute couleur. Grandes, petites, minces, fortes elles deviennent le vecteur d’un érotisme  source de perplexité systématique puisque il demeure présent de manière paradoxale. La peau et son  étui (bas ou collants) suggèrent plus qu’ils dévoilent. Certaines poses sont suggestives mais toutes créent un trouble particulier. Le corps féminin oscille entre voyeurisme et effacement là où la photographe pose  le problème de la monstration et de ce qui s’y engage.

 

Tout repose sur le registre de l’ambivalence dans des approches sophistiquées et « de rue ». Plus la photographe cache plus elle montre en un « ordo erotis »  qui n’appartient pas forcément à ses praticiennes dont souvent  l’identité est retirée de la vue. De l’épaisseur intime des bas-fonds la photographe ne laisse apparaître qu'un abord. Ce qui hante reste retiré de la vue : le regardeur garde donc tout le temps d’imaginer ce qui lui est confisqué non par effet de leurre mais parce que le cliché s’arrête où commence ce que Courbet appela « l’origine du monde ».  Le voyeur reste prisonnier des mailles des bas qui habillent.  Le désir est chantourné. Il se retrouve  près de l’énigme mais il ne peut remonter jusqu’à elle.  Le très peu donne beaucoup et le beaucoup très peu. Le photographe crée un univers de cristal noir. Il sépare du monde le plus intime comme il le fait quasiment pénétrer par effet aporique.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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