Marion Tivital génie du lieu sans lieu (ou presque)


 

 

Les paysages de Marion Tivital sont des usines à gaz d’un genre particulier : le radicalisme minimal  - hérité de Pennone et sa hantise des lieux d’un côté et d’un Hockney dont les couleurs seraient dévitalisées - crée une poésie mystérieuse et prégnante. Enracinés entre chien et loup d’immenses silos ou usines proposent une alliance entre la terre et l’horizon. Un ordonnancement subtil  et doux invente un langage particulier : il accorde à ce qu’on nomme « peinture de paysage » des échos particuliers. La pâle existence périurbaine, l’ennui des campagnes bref la banalité est transformée. Le génie d'un lieu rehaussé de volumes géométriques sans grâce crée un "trivial spiritual" capable de générer des émotions profondes. Le lieu quoique vidé de présence humaine ne sert plus de caution au rêve mais il fait mieux : là où l’œil se perd une méditation prend forme.

 

L’anonymat décliné sous forme de structures apathiques crée une énergie ténébreuse et térébrante. La puissance immobile, épurée et chargée de silence des monstres architecturaux comme égarés dans le contexte suggère un équilibre où le jeu du lointain fait celui de la proximité. Sous l’apparence crue un lieu dégagé de toute facticité aguicheuse ou de pure « façade » produit une complémentarité et une harmonie intempestives. La peinture renforce l’idée que l’architecture est réactive et « métaboliste » : les bâtiments-entraves  fendent l’air de leur étrave. L’imaginaire pictural permet donc de  franchir des seuils et reste au service de rapports complexes. Masses et ruptures de plans font que les structures et leur contexte se regardent et se complètent. L’espace y devient temps. Temps non pulsé mais à l’indéniable force suggestive.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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