Les regrets anticipés : le saturnisme de Quentin Pradalier


Quentin Pradalier propose des lumières naufragées aux couleurs noires et grises où il faut respirer et où il est paradoxalement possible de rêver. La solitude erre dans sa propre nuit, une clarté boite sur un lac où perlent les seins d’une femme. Mais les hommes sont prostrés comme veufs et avec trop de mémoire. Le magnétisme opère par un esprit nocturne. Et si le plaisir perdure, il se détourne du soleil qui a disparu sur le palier boiteux de l'horizon.

Certains êtres semblent déjà dormir dans leur tombe. Leur silence détruit les mots. Reste une passivité sensible sous les yeux. Quentin Pradalier se rapproche d’où finit le désert, d’où il commence : à l’ombre de la nuit que le crépuscule a planté. Aimer le monde c’est aussi l’abandonner dans la pulpe des ultimes clartés.


Les regards sont tournés et s’exilent. Les êtres agonisent même si sur un dos ou sur une poitrine coulent la lumière de minuit. Nés de la chair les corps deviennent statues. Leurs visages se figent là où pourtant le photographe arrache un insondable au cœur de l’obscur. Il cherche l’horizon irriguant l’éclaircie.


Mais toujours est rappelé à l’être que sa demeure est passagère. Le monde se retire. La beauté chancelle dans la nuit au sein de l’argile des visages et les raclements des biffures. La nuit grappille du terrain sur la vie. Il s’agit d’ouvrir le sommeil lorsque le souffle est proche du néant étendu dans sa robe d’écorce et de brume. Quelque chose bouge encore. Un peu, en filigrane. On voudrait croire pourtant la traversée sans limites.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

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