John Goodman et le réel


 

Sur la marge d’un muret ou en pleine rue une jeune fille s'abandonne dans les bras d'un amant. Tout se situe entre luxe et misère.  La seconde surtout. Et chez John Goodman elle n’est pas forcément plus belle au soleil… Mais la splendeur des corps reste inséparable de la jeunesse. C’est là bien sûr un « cliché » :  tous les arts dits de représentation sont souvent fondés sur lui. Goodman les reprend sans toutefois les cautionner. Il les transforme en une confrontation de l'amour et de la mort, de la croissance et de la décadence. Maître de la composition et du noir et blanc  comme de la couleur ses portraits sont plus des images sociales que psychologiques.

La vie palpite, intense. Les visages sont graves ou rieurs. L’artiste saisit les gens de la rue en partant à la recherche du hasard mais pas n'importe lequel : le créateur doit le provoquer. Car la photographie est une histoire d'instants décisifs et fugaces qu'il faut savoir solliciter. 

Goodman a choisi la photographie pour sa forte empreinte sur le réel dans une époque où la peinture trop souvent ne peut parler que d'elle-même. Chaque prise impose la construction imprévisible des corps et des regards. Finiela pose, arrêt au superflu. Le photographe déclenche l'obturateur lorsque le thermomètre des sensations est au plus haut. Surgit une manière de transformer l'invisible dans le visible avant que le visible ne se perde dans l'invisible Le réel en haillons est en métamorphoses. La photographie devient un caillou dans sa chaussure. Les fantômes s'hallucinent. Qu'importe leur zéro de conduite. Ils vivent soudain d'une autre vie.


Jean-Paul Gavard-Perret

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