Emi Anrakuji : voyance

 

 

 

Durant 10 ans l’artiste japonaise Emi Anrakuji (née en 1963) photographia depuis son lit. Après ses études et son diplôme de peinture à l’Université  Musashino d’Art et Music de Tokyo elle fut atteinte par une maladie cérébrale qui entrava sa vue et la confina en une décennie de quasi-cécité totale  et de solitude. Refusant de céder au désespoir elle prit un appareil photo dans son lit et à travers des lentilles se débrouilla pour retrouver un peu de la vue qu’elle avait perdue.

 

 

 

 

Après un long temps l’artiste pu distinguer à nouveau des « microcosmes » dans son  champ de vision. Peu à peu et parallèlement  l’artiste s’est mise à écrire. Elle nota tous les détails qui s’imbriquent entre son corps et son lit tels les lacets sur son oreiller, la couleur de ses draps. Convalescente elle entretient avec la photographie un lien viscéral. A partir de son expérience elle a effectué une série d’autoportraits de nu (sans jamais montrer son visage) qu’elle  définit comme une série de « cartes postales de son enfer privé ».

 

 

 

 

« Alchimiste des images » Emi Arankuji refuse pour ses photographies le terme d’érotique. Elle considère le  medium comme ses yeux et un élément de son corps. Il lui permet de se voir autrement en tant que catalyseur de ses rêves et de ses désirs. La plasticienne  explore désormais le rôle de la femme japonaise en un pays où le mâle reste largement dominant. Dans son travail le nu demeure majeur et se retrouve en corrélation avec les objets du quotidien. Le langage plastique sophistiqué est ensorceleur  par la présence du corps effilé de l’artiste saisi en la syntaxe du noir et blanc.  Il engendre des énigmes pour susciter la réflexion du regardeur en le transformant de voyeur en voyant – ce que l’artiste était devenu lors de la cécité qui la cloua à sa chambre noire.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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