Derrière les murs : Elena Anasova


 

Elena Anasova (née près du lac Baïkal) a vécu plusieurs mois dans diverses colonies pénitentiaires de Sibérie. Elle a voulu voir ce qui se cache, en Russie, sous une certaine exultation romantique de la vie carcérale. Elle montre combien ce romantisme est dévoyé au sein d’une société close qui nourrit en conséquence des luttes de pouvoir, des antagonismes, des renoncements.

 

Dans sa série « Section » (qui appartient à une trilogie sur les femmes dans les institutions pénales) Elena Anasova crée des portraits intimes, parfois tendres, parfois douloureux. Elle suggère par ces femmes privées de liberté comment s’articule le sentiment d’isolement mais aussi l’impossibilité d’être seul : ce qui induit chez certaines d’entre elles une sorte de vulnérabilité, chez d’autres une morgue d’apparence. Par ailleurs l’artiste cherche à montrer comment se reconstruit une société unisexe sous surveillance et où des relations soumises à autant de contraintes trouvent parfois un exutoire affectif.

 

La prison est analysée aussi comme un modèle de notre société. Avec le développement des technologies de surveillance celle-là devient l’exemple d’un monde où tous les aspects de l’être (même son intimité)  deviennent de moins en moins libres. Chacun peut devenir une de ces femmes. Tout le monde est suspect, personne n’est à l’abri. Et à la nudité imposée parfois aux prisonnières répond la mise à nu de notre propre vie. L’univers du Procès de Kafka est donc présenté selon une stratégie particulière : l’artiste montre comment les prisonnières tentent de s’isoler (seule ou en couple) même si chacun de leur geste est épié.

Jean -Paul Gavard-Perret

Sur le même thème

1 commentaire

Très intéressant !