Sophie Rousseau : absorptions

 


 

 

L'encre est une chair. Le support la mange de manière avide. Ou pas. Sophie Rousseau la dirige comme elle conduit l'aquarelle : dans l'abandon programmé. Mais tout part de très loin, le résultat est - sinon prévu - du moins envisagé afin d'entrer dans la nuit de l'être et les affres du monde.

 

Faisant siens les premiers mots d'un  vieux chant cajun  "See the world never seen, never known" la matière liquide embue les figures du dehors, en consume le vernis jusqu’à la transparence. Elle reflète le monde à l’envers par des étendues "maritimes"  qui deviennent autant de no man’s land. 

 

La dilution orchestrée selon diverses épaisseurs, dans un exercice et de rapidité ou de lenteur,  traverse les surfaces : l’ombre avale l’ombre, la creuse afin que tout reste à « écrire ».

 

A travers ce qui s’étend l’âme liquide se déploie dans une forme d'abstraction, de nudité. L’angoisse émerge mais trouve des repères. L’encre et la peinture à l'eau deviennent  par excellence les taiseuses, les intruses. Sophie Rousseau sait que les mots ne résolvent rien. Elle montre leur envers et en scanne la pénombre. 

 

Et si la vie est un voyage, la créatrice  permet de repérer les paysages les plus insondables, les plus retirés. Les œuvres sont des bouées de corps mort secouées par ses vagues de noir ou d'autres couleurs parfois. Le monde devient une sorte de lieu du songe où toutes les âmes ayant perdu leur blondeur d’épi sont grises comme des chats la nuit.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.