Laly Picon : du système de la mode à la Jungle de Calais
L’impression visuelle et son « voir comme » secondaire ont leurs limites : seul l’art renvoie à des relations plus internes qui connectent un regard avec d’autres regards. Ici dans une appréhension qui saisit divers types de relations avec le visage ou le paysage. Quoique superbement construites les images de Laly Picon vagabondent avec humour, légèreté ou gravité. Leur fixité brusquement se renverse, déborde sans cultiver le moindre exhibitionnisme. L'ostentation possède toujours chez elle un aspect particulier : il s'agit d'une manière de se soustraire afin de mieux faire surgir les secrets les plus intimes d’un être ou d’un lieu.
L’œuvre qui ressemble à travail de réparation sur le plan métaphorique. La généalogie à reconstituer s'éprouve comme une question posée. Nous sommes portés bien loin d’un pur décor ou visage. Il n'est plus question de rêves, de dérives extatiques même si l'artiste ouvre la porte de lieux. Mais elle n'a pas pour but d'émoustiller le voyeur pour lui feindre de faire partager une intimité. Le moi est hermétiquement clos sous des couches de fards et de poses là où paradoxalement s’expose la multiplicité de facettes.
Une picturalité particulière oriente notre manière de voir, nos façons de vouloir transgresser des secrets (qui ne sont pas les bons) et capte nos propres réactions par rapport à nos illusions “ d’optique ”. En retour parfois - et en particulier lors de ses images dans la "jungle" de Calais - ce que Laly Picon reçoit lui permet de comprendre de quoi est fait sa propre image, sa propre identité mais aussi notre indifférence. L’artiste produit une œuvre au statut particulier dans ses frottements. Elle pénètre des lieux inconnus qui deviennent une demeure chaque fois réinventée sans nostalgie, ni goût de l’archaïsme ou de l’archétype mais qui permet de faire "parler" des poches de silence.
Jean-Paul Gavard-Perret
Exposition actuelle : Corridor Elephant, Paris.
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