Claudine Doury et les haricots
Rien ne sert de presser le réel pour voir s’il en sort des images. Claudine Doury le sait. Elle le laisse venir à lui tout en lui donnant parfois de sérieux coups de mains afin d’ordonner son désordre ou de désordonner l’ordre des êtres par le regard que l’artiste porte sur eux. Cette méthode de non-méthode ressemble à une façon de ramasser les haricots : il y a de belles rangées, l’ordre semble évident mais la photographe va d’un pied à l’autre, des lignes imaginaires se croisent et se recroisent. Mais au bout du compte les haricots sont dans le panier.
La variété des images créées rend l'ensemble complexe et foisonnant. Peu à peu se réunit, dans le fragment, le monde sans que l’artiste cherche forcément, même dans ses cueillettes, à embrasser des silhouettes évanescentes de fantômes sentimentaux. Ça et là certains jaillissent. Il existe des éclats de vie qui étonnent l’œil du spectateur malgré l’accommodation à la surprise dont notre temps est responsable. Ici cependant il ne s’agit pas de “ coups ” ou d’esbroufe : Juste des manières d’escarpements, de fuites, d’attentes. C’est pourquoi tout ce qui peut paraître fantasque dans les photos se présente de nature diamétralement opposée. A l’intérieur de leurs contours, de leurs prises, de leurs cadres l’artiste crée un labyrinthe où le regard en se perdant retrouve un relief et un ordre apparemment abolis.
Jean-Paul Gavard-Perret
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