Danielle Berthet dans le secret du monde
Les encres bistre de Danielle Berthet accordent aux arbres comme à l’horizon
nocturne de Danielle Berthet une densité
paradoxale. De nuit (avec Jackie Plaetevoet) comme de jour (avec Emmanuel
Merle) elles créent un voyage sur les
décombres de l’utopie retrouvée. La fantasmagorie bascule du côté de la vie par
l’appel de la tribu des solitaires que sont les arbres ou les ombres. En
surgissent des émotions primaires car le
dessin valorise leur exposition
charnelle à la douleur et à la joie dans l’épreuve du temps et de la trace.
L'ocre fait sortir de la brume afin de pénétrer dans une forêt des songes nocturnes. Chaque souche devient racine du ciel. Chaque ombre retrouve la lumière. Les deux mettent en œuvre le poids du monde et du temps. Germe à travers eux une expérience faite de nuances. S'y éprouve jusqu'à l'épreuve du vent. Celui qui permet d'affronter l’orage des évènements sans décimer les chimères en une suite de danses sensuelles là où le paysage de nuit baigne dans les chants d’autrefois.
Se
ressent ce qui est caché dans l'épaisseur là où l’artiste arrache le vert pour
ne garder que la couleur de sensations telluriques et de vibrations inconnues.
L'invisible n'est plus protégé. Le
vide livre son ciel où tout ce qui prétend contenir est en suspens. La
nudité de chaque arbre comme la nuit dont le paquet d’égare se dressent comme un geste. Il
donne consistance non au corps ou au réel mais au dessin lui-même. Il écarte la
solitude subie, retient celle qui est choisie. Elle est porteuse d'une
conversion comparable à l'intime d'une source profonde. Elle nourrit l'arbre et la nuit même dans l'hiver
qui s'effilochent le long des brumes.
Jean-Paul Gavard-Perret
Danielle Berthet, L’armée des arbres, poème d’Emmanuel Merle, éditions Sang d'Encre, 2012, 150 € et Mordre la nuit, poème de Jackie Plaetevoet, Idem, 2013, 150 €
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