Quand l’animal rit – Sun Xue

Sun Xue aime les animaux pour les mythes farfelus qu’elle peut construire avec leur image revisitée dans le jeu des lignes et des couleurs. S’éprouvent une circulation drôle, une germination spatiale décalée. Si bien que le regard du spectateur lui-même en est troublé. Celui-ci devient attentif à la constitution de tels « zoziaux » et autres « qui oui-oui ». L’espace est délivré de toute notion de milieu ou de contexte. S’ensuit un plaisir intérieur d’être à travers les dessins au sein d'un élément spatial « par excellence » puisque sans repères. L’animal devient un objet totémique dégingandé. Jaillissement, humour, tension tout y est. Le travail permet de marquer beaucoup plus qu'un simple parti pris plastique et formel. Il s'agit de penser le visible de l’animalité, le rapport du fond au sujet à travers les choix de formes et de couleurs. Des vignettes « wonderland » sont autant des arcs d’attraction que des jardins d’acclimatation à un surréel éloigné des vacances surréalistes. Il n’a pas besoin pour séduire de coiffe bretonne ou de barbe à papa afin de caresser la chimère et affirmer l’éclat qui nie le doute là où est engendré l’impensé dans une aura de phosphène.

 

Sur un ciel ou un sol singulier, blanc, vierge Sun Xue renoue avec des terres plurielles. Elle affine, "filigrane" le monde jusqu'aux tropiques du Capricorne. Son œuvre est à la fois l’éloge du paresseux et du courage. S’y déficellent, s’y rafistolent les hauts-fonds du sans-fonds. L’artiste boucle les éclairs de lune en des dessins qui sont autant les escales que les escarcelles d’une connaissance mystérieuse. Mais elle est loin d’avoir accompli son tour des mondes.  S’abandonnant au présent elle se donne dans chacune de ses étapes et de ses œuvres. Celles-ci se ramifient en rhizomes spirituels aux feux follets sortis désormais de l’argile ambre des marigots. Par l’animal la créatrice « volubilise » le monde. Mais toujours avec sérieux et grâce poétique. Osant tout quitter lorsque cela est nécessaire Sun Xue accorde à sa vie comme à son œuvre une magie particulière un rien fripouille. Pour l’heure l’oeuvre n’a pas encore trouvé sa juste place. Il est vrai que la plasticienne ne joue pas les pseudo-iconoclastes. Les regards distraits passent donc facilement à côté de tels dessins et desseins. Un jour viendra pourtant où ils seront reconnus pour ce qu’ils fomentent : un carnaval des animaux, symbole d’un temps qui - si on n‘y prête garde - pourrait trépasser bientôt.

  

Jean-Paul Gavard-Perret


Sun Xue, "Animalia", exposition, Espace Matiningo, Chambéry, septembre-octobre 2014.

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