Peggy Viallat : sans complaisance

La « visagéité » dont parle Beckett prend chez Peggy Viallat un aspect particulier. L’effet de réalité y devient outrancier tant par le choix d’un plan fractal et comme saturé de lumière que par les formes et les couleurs qui   « griment » le visage afin d’en accentuer une vérité. Elle n’est plus d’apparence mais d’apparentement avec ce qui semble en jaillir de l’intérieur.

 

Le portrait devient une totalité. L’appréhension de la persona (connue - Houellebecq-, inconnue ou animale) s’y concentre : vue, ouïe, odorat, nez, langue, bouche sans oublier son « disque dur ». C’est comme si les sens et la pensée se retrouvaient en ce qui demeure l’interface entre soi et le monde.

 

Le visage chez Peggy Viallat ne se réduit donc pas à l’addition de ses éléments « utilitaires ». Il dépend d’autres paramètres que l’art lui accorde. Dans sa manifestation irréductible, il reste énigmatique mais il fascine par ce qu’il dévoile : gourmandise, dignité, malice, orgueil, outrecuidance, etc.  selon des données improbables mais plus qu’évidentes. Le visage s’impose donc dans une sorte d’absolu de sa présence, mais en sa force il paraît vulnérable. Le sens commun le sait bien lorsqu’il parle de « perdre la face ».

 

Si le visage est - normalement - le seul endroit où l’être humain avance nu, Peggy Viallat lui ajoute un voile paradoxal puisque celui-ci dévoile. Elle ne se contente pas de jouer avec les mimiques et les formes du visage pour en déduire des « qualités ».  Elle y entre en lui octroyant de multiples éléments qui appartiennent autant  à une histoire de la peinture que de la psychologie.

 

Dès lors le portrait est rempli d’une puissance qui n’appartient qu’au langage pictural. Tout un monde s'invite sans être embarrassé par les lois qui cadenassent, jugent, séparent le bon grain de l'ivraie. L'espace est libre de se composer au gré de l'imagination de la créatrice. Elle ne s'en prive pas en ce qui tient autant de l’expressionnisme que de l’impressionnisme. Si bien que chaque  portrait est habité. Mais par la seule peinture. C’est elle qui a une âme faite d’apparences démoniaques, angéliques, hybrides, bestiales et de forces énigmatiques. Un trait noir peut venir souligner des rondeurs, approfondir des couleurs qui n’existent pas dans la réalité. Le portrait est donc le creuset où  tout visage surgit  métamorphosé. Peggy Viallat ne tente pas de re-montrer une identité : elle la réinvente.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Peggy Viallat, « Certains d’entre nous », Galerie Metamorphik,  22 grande rue Ste Foy lès Lyon, 20-22 janvier 2017

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