Myriam Sitbon, envol et humanité

A parcourir ce livre, des mots s’imposent par leur justesse et la portée qu’ils donnent à ces sculptures, offrant de ce fait au lecteur qui les découvre une clé d’analyse possible : l’art de Myriam Sitbon "est une exégèse audacieuse des mystères de l’âme humaine".
Que voit-on au fil des pages qui constituent et cadencent ce parcours, interrogeant autant la curiosité extérieure que le regard intérieur? Cinq ou six thèmes majeurs qui se rejoignent entre eux grâce à ce travail en profondeur dans la résistance du matériau. Au bout du processus, on a ce ballet puissant des idées et ce façonnage léger du métal, à cet envol des mouvements, à ce goût pour une réelle esthétique des lignes. Voici ces thèmes.

Des arbres, épanouis au gré des saisons, dont les racines torses annoncent et nourrissent des branches densément ramifiées, liens premiers entre la terre et le ciel.
Des violons dont les volutes, les manches, les tables et les cordiers servent tour à tour de support à des pinceaux en éventails (Le trio), à une serrure, à la robe d’une danseuse, au miroir pour deux regards d’amour (Le baiser).
Un univers qui s’est comme figé dans la prière, l’intériorité, la méditation (Shéma).
Une foule que seulement quelques têtes et visages piqués au sommet de tiges discrètes suffisent à représenter (Les Mariannes).
De portraits et des sourires saisis au vol, des yeux à la fixité énigmatique (Esther au Grand Palais).
Enfin, ces marches de la lassitude et de la peur, sans fin rassemblées sous le titre unique et bien évocateur des drames vécus : « errances ».

 

Le style de cette artiste est en soi un appel à l’exercice exigeant de l’exégèse, terme qui vient du grec ancien eksếgêsis et qui selon Littré signifie à la fois interprétation et explication. Or étonnamment, c’est par leur silence que ces œuvres parlent, ce qui accroît leur présence. Des creux, des saillies, des aspérités et des douceurs de ces pièces se dégage une musique fermement modulée mais sereine. De même que c’est par l’absence renouvelée de matière qu’elles livrent leur pleine densité.

Il y a en effet des espaces vides, des ruptures de formes, des éliminations qui donnent à l’imagination la chance de les combler à sa guise. Et avec cela de fins détails qui deviennent des ornements, des décorations supplémentaires. Ainsi de cette Danseuse-papillon dont le buste ouvragé d’entrelacs émerge d’élytres de bronze, de ces ramures enchevêtrées où circule l’air vivifiant (L’hiver), de cette rencontre passionnelle entre deux amants (L’instant) qui pourrait renvoyer aux personnages des fêtes galantes de Watteau.

 

A l’heure où de nombreux artistes cherchent à provoquer par des propositions qui restent illisibles, voilà une création qui est le reflet d’une « sensibilité baroque et orientaliste », épelant en toute liberté un langage plastique à la croisée de plusieurs cultures. Les textes qui accompagnent ces images en révèlent la poésie et l’originalité.

 

Dominique Vergnon  

 

Gérard Xuriguera et al, Myriam Sitbon, sculptures, 240 x 300, 170 illustrations couleur et 56 noir & blanc, Les éditions de Paris Max Chaleil, mars 2018, 240 p. -, 26 € 

 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.