Les cathédrales, une longue histoire d’art et de foi

Sur la carte de l’Europe, elles constituent depuis le IVe siècle comme une constellation d’édifices où art et foi s’unissent dans un seul élan avec cependant, ce qui assure à ce vaste patrimoine sa spécificité particulière, une immense richesse de styles allant du baroque au classique, du manuélin portugais au gothique anglais, du rayonnant nordique au roman davantage méditerranéen, des coupoles de Sainte Sophie au bord du Bosphore au vertigineux dôme de Santa Maria del Fiore, de Florence.
D’âge en âge, à travers la taille, les parvis et les façades, les tours ajoutées et les doubles transepts, les tracés régulateurs et les tribunes, les décorations tant intérieures qu’extérieures, les techniques de constructions révèlent les audaces et les capacités de renouvellement et d’adaptation voulues par les bâtisseurs pour aboutir à ces chefs d’œuvre immobiles. Il suffit d’admirer les charpentes, les chevets, les nefs qui sont présentées de page en page. Partout, ceux qu’on appelait autrefois les œuvriers, c’est-à-dire les maîtres d’ouvrage, les charpentiers, les tailleurs de pierre, les sculpteurs, les verriers, rivalisèrent de prouesses et d’inventivité pour que ces messages de pierre psalmodient une éternelle louange au Créateur et saluent l’intelligence humaine.

Architecte, professeur, archéologue, chargé de mission au ministère de la Culture et de l’Environnement, l’auteur sait de quoi il parle tout au long de cet ouvrage original et utile à plusieurs titres. D’abord parce que c’est l’ensemble de l’histoire des cathédrales elles-mêmes qui est développé ici, avec en parallèle la mise en relief de leurs configurations propres et de leurs rôles non seulement en tant que symboles puissants de la vie spirituelle mais encore comme repères d’une culture sociale locale. C’est en outre une savante et intéressante leçon d’architecture, permettant de retrouver des termes connus, linteaux, cintres, niches, absides, ou d’apprendre des mots plus rares, modénatures, baies en lancette, triforiums, remplages.
C’est également l’occasion de découvrir que ces merveilleuses cathédrales de chez nous ont essaimé un peu partout dans le monde, inspirant aux fondateurs nés ailleurs des basiliques et des sanctuaires parfois monumentaux, comme la cathédrale de Buenos Aires, celle du Québec, celle toute aérienne de Tokyo, celle de Yamoussoukro située dans la région des lacs en Côte d’Ivoire, évoquant dans une identique grandeur Saint Pierre de Rome.

De plus, reliés à ce long passé qui témoignait des ferveurs du temps, sont repris les grands événements jusqu’aux plus récents qui ont accompagné l’existence de ces insignes bâtiments, incendies, destructions, écroulements, séismes comme celui qui ravagea Assise en 1997 et qui tous ont laissé leurs marques visibles.
Enfin, hommage nécessaire qui n’est pas oublié, sont signalés à côté des créateurs et commanditaires qui lancèrent jadis les premières élévations, Suger, Childebert, Charlemagne, Maïeul de Cluny, Maurice de Sully qui est à l’origine de Notre Dame de Paris, ceux qui ont signé certains des plus spectaculaires monuments d’aujourd’hui, en défiant les anciennes esthétiques pour leur donner de nouvelles expressions, Gaudi et sa célèbre « Sagrada Familia » à Barcelone, Auguste Perret, Edgar de Oliveira da Fonseca qui conçut ce geste de modernité inimaginable alors qu’est São Sebastião de Rio de Janeiro, en forme de tronc de cône, Mario Botta dessinateur de la cathédrale d’Ivry, lieu circulaire dont la géométrie n’appelle ni commencement ni fin. Toujours présent, plus ou moins haut, plus ou moins ajouré, le clocher, ce doigt de pierre disait Nerval qui désigne le ciel afin de faire chanter le bâtiment, pour reprendre les mots de Paul Valéry.

Dominique Vergnon

Alain Billard, La belle histoire des cathédrales, nombreuses illustrations, 240 x 200, De Boeck Supérieur/ Éditions Adapt-Snes, octobre 2021, 320 p.-, 29,90 €

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