Thomas Savage : ouest sauvage

Publié en 1967, Le pouvoir du chien est devenu au fil du temps un classique du genre. Savage – apparenté à "l’école du Montana" à savoir aux romanciers d'aventures et de paysages que sont Rick Bass, Norman Maclean et bien sûr Jim Harrison – évoque la nature, la vie des nouveaux cow-boys et le coeur des hommes dans le décor grandiose et montagneux du Montana.

Nous sommes face à des mots, des lignes, des ondes poétiques vibrant au vent, aux souffles de l’air de tels lieux. Avec toute la difficulté d’être, de se sentir vivre face à ce qui ressemble parfois à de mortes saisons et morne plaine que les personnages tentent opiniâtrement de franchir, pourvus de courage ou armés de désir confus au moment où le monde change sous l'effet de la modernité des années 20 du siècle dernier.

L’expérience existentielle rejoint la littéraire en ce roman dont les mots osent leurs barricades. S'y découvrent deux frères éleveurs fortunés. Ils vivent d'abord repliés sur eux-mêmes. Opposés physiquement, ils se supportent tant que chacun reste dans ses compétences. Mais l'aîné tire les ficelles et domine son frère. Et au fil du roman se découvre sa nature perverse.

Quand son frère tombe amoureux de la veuve du docteur Gordon qu'il a ridiculisé et poussé au suicide, il tente de détruire le couple en déstabilisant une femme fragile et son fils né de son premier mariage. Seuls sont exclus de cette horreur du genre humain les jeunes cow-boys. 
'un des frères leur garde une sorte traitement de faveur en souvenir d’un jeune vacher connu dans sa jeunesse. Il tient une place occulte importante dans le roman et en devient même un personnage-clé.

Thomas Savage s’attaque ainsi au mythe de l’Ouest en évoquant de facto l’homosexualité refoulée. Et ce, dans un jeu pervers Jusqu'au dénouement final inattendu d'un roman qui ne cesse de monter en tension de manière irréversible.

Jean-Paul Gavard-Perret

Thomas Savage, Le pouvoir du chien, traduit de l’américain par Pierre Furlan, postface d’Annie Proulx, Belfond, novembre 2011, 384 p.-, 19 €

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