De sable et de neige : un livre de chevet

Pas de turbulences, sinon celles de la mer, pas de conflit, pas de fureur sinon la douleur du deuil n’émaillent De sable et de neige.
De ses jeunes années, l’auteure retient des images comme ce tablier rouge ardemment désiré après des vers de Victor Hugo prononcés par Félix son grand-père. Le vêtement l’enchante, la reliant : à la fois à Félix à la poésie, à l’énigme de l’amour fou.
L’océan est omniprésent : chaque année la famille réside à Arcachon, la ville si calme en apparence mais qui recèle bien des tumultes, bien des drames. Combien de marins ne sont pas revenus d’une sortie en bateau ?

Mais, tout chez l’auteure semble matière à enchantement, les associations d’idées à priori saugrenues réécrivant le passé.
Des blockhaus,  tagués, sinistres déchiruresdans un paysage intemporel,  où elle vécut ses premiers émois d’adolescente, elle dessine un paysage à la Watteau. Ses fêtes de l’été qui s’achève ont à l’ombre de ces graffitis, la puissance  des Fêtes galantes.
De même, voyant une grand-mère et ses deux petites filles, dont l’une creuse un trou dans le sable,  lui vient à l’esprit, le tableau de Botticelli sur saint Augustin méditant le mystère de la sainte Trinité, rencontrant un petit garçon qui veut vider la mer avec une petite cuillère.
De son penchant pour les pommes de pin, elle en arrive à son goût pour les huîtres, à la représentation des huîtres dans la culture occidentale, à madame du Deffand, à Voltaire, à la cécité, aux règles, au travail des femmes, le tout en trois pages.

Et puis il y a le père adoré, mort quand elle avait dix sept ans. Le père taiseux, ancien résistant qui jamais n’évoquait son courage et dont le deuil est impossible. Ce deuil qui revient à l’improviste, comme les rêves ou avec les rêves, ou bien selon une fatalité
Une année, en février 1956, la neige tomba sur Arcachon. Un mètre de neige : avec la saveur des colonnes d’eau pure tombant des cascades. Elle n’oubliera jamais son goût de cristal mêlé à l’émerveillement de voir son père skier dans les rues de la ville. Il lui promit des skis, il ne neigera plus sur Arcachon mais comment oublier les descentes sur pommes de pin qui suivirent ? 
Une quarantaine d’années plus tard, il neige encore à Kyoto quand elle découvre bouleversée, une carte postale, un signe venu peut-être de l’au-delà, qui la relie à son père.

Ce récit d’apprentissage, ce livre de réminiscences, se lit comme une lente promenade dans l’histoire de la narratrice, se déguste par petites lampées gourmandes. Les souvenirs s’égrènent comme des touches de couleur sur une toile impressionniste et finissent par  esquisser un temps retrouvé. Les photos de proches ou de paysages ajoutent encore au charme de cette enfance aux couleurs sépia.
La délicatesse, la sensibilité de l’écriture de Chantal Thomas se mêle à la richesse de son imaginaire pour une ballade enchantée. De sable et de neige possède toutes les qualités d’un livre de chevet.

Brigit Bontour

 

Chantal Thomas, De sable et de neige, Mercure de France, janvier 2021, 199p. ; 19 euros.

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