Je est un juif, roman : Charles Dobzynski en quête d’utopie

Né en Pologne en 1929 et arrivé très jeune en France, à l’instar de Kijno, Charles Dobzynski épousa, lui, une carrière littéraire – premiers amours de Lad avant le basculement dans l’art visuel. Mais avant de s’investir dans les Lettres, le jeune Charles devra survivre, tenter d’échapper aux rafles allemandes dans le Paris occupé et aux balles perdues lors de la bataille de la libération de la capitale, en août 1944.

Ce sera Paul Éluard qui fera publier dans Les Lettres françaises ses deux premiers poèmes, et par la suite Dobzynski succèdera à Georges Sadoul comme critique de cinéma, en 1967. Il sera par la suite le rédacteur-en-chef de la revue Europe.

Autodidacte, poète par essence plus que par formation académique, portant en lui cette force du passé et puisant l’énergie du futur dans le quotidien, Charles Dobzynski tricotait de petits poèmes rythmés où chaque mot déposé sur la feuille blanche irradiait l’utopie comme seule alternative possible.

 

Je suis né juif
en coup de vent.

[…]

Je suis né en apnée
dans le sommeil du monde.

 

Profondément en phase avec le monde, Dobzynski jouait des polarités contraires pour s’extraire de la pesanteur. Son amour du cosmos et sa passion pour l’astronomie sans doute, mais la passion pour les échecs démontre aussi un esprit fin d’analyse que la construction de sa poésie reporte en musique saccadée, une manière de dire certaines vérités sans outrepasser ni choquer…

 

Qu’est-ce qu’un Juif
sans religion ?
peut-être hors des rails

un train dans le désert ?

 

Charles Dobzynski a toujours été attentif à la chair concrète de l’histoire humaine, ne refusant pas de voir toutes les facettes du réel, n’acceptant jamais de se laisser enfermer dans un dogme ou une idéologie. Clairvoyance du poète qui, par sa spiritualité, parvient à voir d’en haut, à prendre cette hauteur de vue qui permet de mieux percevoir les choses, de mieux sentir l’importance de l’éthique, d’être lucide vis-à-vis des grands conflits mondiaux, et notamment du cas d’Israël…

 

Qu’un peuple joue avec le gouffre
faut-il se taire
quand le peuple d’en face souffre

d’être amputé de sa terre ?

 

Poèmes des dernières années (2011), ce recueil qui se déroule en pelote de fils-titres qui redéfinissent les thèmes humanistes donne à lire un canevas aux multiples visages, dans la joie comme l’amertume du constat d’échec…
Candide parmi les hommes, le poète préconise toujours l’amour face à la bêtise et la haine : autant vouloir mettre l’océan en bouteilles.

 

François Xavier

 

Charles Dobzynski, Je est un juif, roman, préface de Jean-Baptiste Para, Poésie/Gallimard, octobre 2017, 144 p.- 6,20 €

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