Michel Galabru, Tout est comédie

Michel Galabru n’en est pas à son premier livre de mémoires. Il a déjà commis Je l’ai perdu au 18 (Ed Harca 1996) Trois petits tours et puis s’en vont (Flammarion 2002) et Je ne sais pas dire non (Michel Lafon 2011). La différence est que ce dernier opus n’est pas tout à fait un livre de souvenirs mais plutôt une œuvre de petites et saines réflexions ponctuées de revigorantes anecdotes.


Sous forme d’abécédaire, Galabru y parle essentiellement de théâtre (source d’anecdotes), des femmes et de la société qui, forcément mon brave monsieur, a évolué et pas toujours dans le bon sens. Bizarrement, il parle très peu de cinéma, lui qui a quand même trainé, et parfois galvaudé, son talent dans plus de 280 films (et téléfilms). S’il n’en parle qu’à doses homéopathiques c’est probablement parce qu’il confond ou a oublié la plupart des films. N’y effectuant que des prestations épisodiques et celles-ci s’enchaînant les unes derrières les autres, elles finissent par se bousculer, voire s’anéantir mutuellement, dans les méandres de la mémoire. Et puis il y a celles dont il aimerait ne plus en entendre parler. Je m’en souviens d’un cocktail, il y a pas mal d’années, où nous nous étions retrouvés face à face le temps d’un échange de courtoisies. Je lui avais demandé s’il se souvenait d’Adam et Eve, nanard absolu datant de 1984 pour lequel il se retrouva affublé de la grande Alice Saptrich en guise de partenaire. Galabru me fusilla de son œil rieur et avec sa voix inimitable eut cette réponse magistrale :


- Oh, le salaud !


Dans ce livre, Galabru soutient n’avoir jamais participé à un autre sommet du genre : Arrête de ramer, t’attaques la falaise. Eh bien si, cher Michel, vous le tournâtes. Vous ne fûtes pas le seul puisque Bernadette Lafont et Daniel Gélin vous y accompagnèrent. Vous y jouâtes un grand d’Espagne à l’uniforme surchargé de médailles et à l’intellect dénué de cellules grises. Toutefois, à votre décharge, lorsque vous y participâtes, le film portait un autre titre : Qu’il est joli l’assassin de papa. Il s’agissait, en effet, d’une version revue et corrigée manière « hilarante » du Cid. Oublions.


Réduire la carrière de Michel Galabru à ses navets serait trompeur. Il débuta au Conservatoire d’où il entra directement à la Comédie-Française (en tant que pensionnaire et non sociétaire, comme dit dans le livre). Il y brilla dans les emplois de valets et de rondeurs comiques, déclenchant l’hilarité. La suite s’équilibra entre le théâtre (sa véritable passion), qu’il n’abandonna jamais, et le cinéma où il fut aussi étonnant en adjudant Gerber qu’en sergent Bouvier (dans Le juge et l’assassin).


Du fait du foisonnement et de la longévité de sa carrière (il a fêté ses 90 ans en octobre dernier), Galabru est tout à fait légitime pour faire des commentaires sur son métier et presque autant sur la vie en général («Les bébés pleurent à leur naissance, car il semble que l’affaire se présente mal. » p 151). Fatalement, la partie la plus intéressante de l’ouvrage est celle où il rapporte ses rencontres, évoque ses partenaires, les pièces qui l’ont marqué et quelques films qu’il ne peut avoir oubliés. Toujours en retrait, refusant de se donner le beau rôle, Michel Galabru parle comme un enfant timide, modeste et sans cesse étonné de ce et ceux qui lui arrivent. Son sens de l’humour est résumé dans le titre : Tout est comédie. Si seulement cela pouvait être vrai !


Philippe Durant


Michel Galabru, Tout est comédie, propos recueillis par Sophie Galabru, Le Cherche-Midi, 224 pages, février 2013, 17,50 eur

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