Chris Falaise : le rouge et le noir
Sans doute parce qu’elle
est femme Chris Falaise offre par le nu plus une pensée qu’un fantasme. Au
milieu de l’espace l’encre noire ou la peinture devient une musique jazz. Avec des taches de
sang parmi les ondes la lumière. Le corps offert se lie, se délie, se défait
dans un abandon programmé et un éclatement retenu. Tout cela « for distingués lovers » comme
chantait Billie Holiday. La
combustion intime des sensations reste allusive.
La pensée d’une possible extase et sa dimension sublime surgissent dans une
distance qui appelle pourtant la proximité. La trace du visible est
métamorphosée en la possibilité d’en éprouver sensation. Chaque nu prouve que
l’amour ne veut pas partir. Qu’il est envahissant et presque impossible. Le
presque est important. L’encre (ou la peinture) est ce presque. Il est cet
attente : « Tout y baigne. C’est là que j’ai vécu » disait
Duras. Mais comme elle Chris Falaise ne s’arrête pas à la souffrance : à
la pluie d’hiver elle préfère celle d’été dans ce qui devient des images de
films muets. En noir et blanc – ou presque. La peinture de l’artiste n’a pas
besoin de mots et le peu de couleur lui va. Pour autant les œuvres sont moins
narratives qu’impressives. La surface sabrée de lignes profondes est inondée du
jeu restreint de tonalités déclinées comme dans le jazz en différentes
modalités. Le rouge cousu au noir semble lui tenir chaud. Et si la vie est un
voyage, l’art par son interprétation
permet de repérer des paysages du corps et surtout son langage. Il montre, retient ce qui ne le laisse en paix : les mouvements du cœur. Ils pénètrent
par des touches l’odeur de la féminité. Le monde devient lieu du songe. Il
est bon de s’y glisser. Comme en un chant de Billie
Holiday ou - à l’image de la peintre – comme dans une des
« Ballads » nocturnes de
Coltrane.
Jean-Paul Gavard-Perret
Exposition Chris Falaise à Mister Lo Gallery, du 12 novembre au 12 Décembre 2013, 27 rue Rodier 75009 Paris
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