La Cache, de Christophe Boltanski

Une étiquette peut tellement influencer notre lecture ! Le Prix Fémina me dit qu’ils ont couronné Boltanski pour son premier roman. Stock, dans sa description de l’ouvrage, ose introduire l’étrange catégorie de roman-vrai.
Je me suis donc mise à lire La Cache comme un roman. En tant que tel, il n’est pas mal, j'y reviendrai, mais il tend à être long et à s’essouffler à mi-chemin. Mais si je considère l’oeuvre comme un récit biographique sur la famille de l’auteur, alors ça change tout et c’est excellent.

À 13 ans, Christophe Boltanski, l’auteur et le narrateur, décide d’aller vivre avec ses grands-parents dans un appartement parisien, un hôtel pour le moins “particulier”.
Pour s’expliquer à lui-même et nous présenter sa famille aux moeurs étranges, il donne à la table des matières de son livre la forme d’une sorte de tableau de Cluedo, se concentrant d’abord sur la voiture de ses grand-parents, “un mode d’habitation avant d’être un moyen de transport”, puis sur 9 parties de leur maison.
Au long des descriptions de chaque pièce, il présente les membres de “la tribu des Boltanski” et ce qu’ils ont vécu de joies et d’épreuves, depuis l’émigration d’Odessa au 19ème siècle jusqu’à aujourd’hui.
On pourrait dire que la maison est elle-même le personnage central du livre, autour de laquelle se meut tant bien que mal sa “Mère-Grand” touchée par la polio après la naissance de son premier enfant, et son grand-père qui fait croire à un divorce et à sa fuite mais en fait se cache dans son propre domicile pendant 20 mois durant la guerre, seul moyen de survivre quand on raffle les Juifs à Paris pendant la deuxième guerre mondiale.
Quand on lit l’ouvrage comme une biographie, on prend plaisir à visiter tranquillement la maison de pièce en pièce et à découvrir petit à petit ses secrets, révélés sans jugement, avec simplicité et sobriété,  (avec toutefois quelques passages à la Pierre Lemaitre quand il s’agit de décrire les horreurs de la guerre de 14-18 – voir Bureau, chap. 11) .
Pris comme un roman, ça devient un peu lassant.
C’est toute une réflexion sur le thème de l’identité, de la sécurité et de la peur. Que va-t-on faire pour se protéger ?
Le livre s’ouvre avec de multiples “il“, en premier lieu source de confusion pour le lecteur, mais recherché à mon avis. Tard dans le texte découvrira-t-on enfin le prénom de la grad-mère, par exemple.
C’est le “il” anonyme derrière lequel on se cache (les membres de la famille ont aussi recours à de multiples pseudonymes), mais c’est aussi le “il” de la cohésion d’un corps, d’un “bloc compact” sur lequel on s’appuie, d’un groupe qui se tient ensemble pour survivre face au danger, tout en se démarquant des autres et en créant “un entre-soi, une coupure avec le monde extérieur.”
C’est aussi une réflexion sur le thème de la fragilité, physique et sociale, et de la précarité qui en découle.
Mais ne vous y trompez pas : si l’enfermement est comme un mode d’être pour cette famille, si ce lieu est cimenté par la peur, c’est aussi un espace vibrant de vie, de liberté intérieure et de créativité.
Ce sont des gens très intelligents, des professionnels, des intellectuels et des artistes. La grand-mère de l’auteur écrit même des romans.
Pour conclure:
Un ouvrage à la structure originale qui nous dévoile les secrets d’une famille hors du commun, et ce qu’elle est entre autres amenée à faire pour survive à la persécution juive.
Aucun commentaire pour ce contenu.