Belgica : rencontre avec le réalisateur Felix Van Groeningen

Son patronyme, forcément flamand, peut paraître difficile à retenir pour des oreilles françaises et pourtant c’est un non à ne pas oublier. Les Américains l’ont bien compris qui l’ont accueilli au Festival de Sundance et lui ont proposé de travailler avec eux. Ce Félix est l’auteur d’Alabama Monroe, César du meilleur film étranger 2014. C’est surtout un sacré réalisateur, incroyablement inventif, novateur sur tous les plans. Il insuffle à son film une énergie rare qui détonne au milieu des films français trop formatés. L’histoire de son Belgica est celle de deux frères qui décident de transformer un bar en lieu de fête où les gens pourront danser sur la musique de groupes de tous styles. Le succès est tel qu’il fait tourner la tête de l’un des deux patrons. Sexe, drogue et rock’n roll aboutissent à des déchirements…


D’où vient l’idée du film ?


Elle m’est inspirée par le vrai bar fondé par mon père à Gand et qu’il a tenu pendant 11 ans avant de le revendre à deux frères qui ont fini par le transformer complètement. Le film est la combinaison du bar de mon père et celle des deux frères, j’ai mêlé les deux histoires. Personnellement j’ai assisté au changement. Au début, le Charlatan était une sorte de bar alternatif ou tout le monde était le bienvenu et il a fini en boite de nuit branchée. Mais je ne voulais pas raconter la chronique du Charlatan, le voulais raconter autre chose, les liens entre deux frères.


Pourquoi ce titre qui est aussi le nom de l’établissement dans le film ?


On s’est dit que la transformation du lieu est à l’image de la métamorphose de la société et, pourquoi pas ?, de l’ensemble de la Belgique. Pour moi c’est un reflet de la transition effectuée par la Belgique. C’est un pays bizarre où les Flamands et les francophones sont à la fois réunis et séparés. L’idée de départ de mon père était vraiment d’accueillir tout le monde : les Wallons, les Flamands, les francophones et tous les étrangers. Petit à petit ce n’est plus devenu possible. Tout a fini par changer.

À cause de l’argent ?


Au début c’est un lieu créatif mais il faut le gérer, faire financièrement attention alors il faut mettre des barrières, des règles. L’utopie c’est d’abord transformée en cauchemar puis en monstre. Après, c’est dur de revenir en arrière.


Les personnages correspondent-ils à une réalité ?


Pendant l’écriture du scénario, on s’est écartés des vrais personnes parce qu’on avait tendance à faire tout noir ou tout blanc alors que dans la vie tout est plutôt gris. Ce qui comptait pour nous c’était la relation entre ses deux frères. Ils ont besoin l’un de l’autre.


L’ambiance festive que l’on ressent en regardant le film était-elle présente sur le tournage ?


Oui. À la fin de certaines scènes, les figurants continuaient de danser alors que les caméras ne tournaient plus. C’était magnifique et certaines fêtes se sont prolongées jusqu’au matin, les gens ne voulaient pas que ça s’arrête. Ça durait de 6h du soir à 6h du matin ! Il fallait créer une ambiance où les gens pouvaient s’amuser. Les groupes jouaient en live. Mais ce ne sont pas de vrais groupes, ils ont été créés pour le film. Derrière il y avait la présence de Soulwax, groupe célèbre habitué à gérer toutes les musiques. C’est eux qui ont fait le casting des musiciens.


Avez-vous laissé part à l’improvisation de vos acteurs ?


Je préfère faire beaucoup de répétitions et retravailler le texte avant plutôt que de faire de l’improvisation. Parfois, quand ça ne marchait pas, je disais aux acteurs de faire ce qu’ils sentaient. Et ils avaient souvent de bonnes trouvailles. En revanche, avec les enfants et les chiens il faut savoir improviser pour arriver à ce qu’on souhaite ! Mais j’ai constaté que si un soir on n’est pas content du travail de la journée c’est parce qu’on ne l’avait pas assez préparé.


Quelle est la scène la plus importante pour vous ?


Pour moi c’est celle de la bagarre entre les deux frères. Elle a été difficile à mettre en place mais c’est moins ennuyeux que de filmer quelqu’un en voiture ou de filmer une voiture qui roule. Ça je déteste.


Est-il exact que vous allez travailler à Hollywood ?


Oui, j’ai un projet depuis deux ans. Ce n’est pas tout à fait un film d’auteur mais ce n’est pas non plus un gros budget. Disons que c’est entre les deux.


Si demain on vous propose de réaliser Captain America 4 ou 5, vous acceptez ?


Ah non, ça jamais !


Propos recueillis par Philippe Durant


Belgica 

un film de Felix Van Groeningen

Avec Tom Vermeir et Stef Aerts

2h07 

sortie le 2 mars


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