Quentin Tarantino : le cinéma et ses symptomes

Il est de bon ton désormais d'accuser Tarantino de tous les maux en prétextant que son intelligence créatrice serait une vaste farce. Mais ses titillations d'aliéné ou d'aliéniste plongent toujours dans un monde pervers. Elles créent dans son dernier film un vol au dessus du volcan de l'usine à rêve qui flirte ici avec le pire.

Racontant - avec une certaine lenteur pour s'attarder sur les corps et les lumières de manière picturale – l'Hollywood d'il y a 50 ans, le réalisateur à travers deux héros de fiction (un acteur déclinant et son double) invente un réseau littéral de fantasmes en expansion. Un tel conte de fée et compte de faits permet à l'œuvre de retrouver ses sommets.

Le monde d'avant avec ses Cadillac rutilantes est radieux au moment de sa disparition. Et cette narration d'aube et de crépuscule  permet une nouvelle fois – à celui qui ne cesse de lancer son cri "Vive le cinéma !" – de faire preuve d'intensité et de fracas avec les leurres des productions hollywoodiennes.

Tarantino dans cette confrontation reste un créateur passionné et un sale gosse. Qu'importe son mauvais goût et une morale (si morale il y a) douteuse. Le film demeure une fiction cynique et drôle où le fabulateur rejoue le cinéma, le remet en scène et le renouvelle dans l'expansion de formes caricaturales au sein de destins pervers et une mutation du cinéma tel qu'il fut, qu'il est ou qu'il devient.

Le réalisateur ne s’intéresse pas à la construction de la fiction mais plutôt à son démantèlement par l’exploration de la vie comme des leurres. Il  gère ses propres projections, sa propre nostalgie. Le tout sur le terrain de sa propre ambivalence – ce domaine riche et fertile qui s’étend entre fascination et répulsion, envie et perte.
On l'aura compris : Tarantino est de retour à la maison.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

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