Palettes végétales en hiver

L’été s’attarde, pour notre bonheur. Paradoxe des humeurs, non que l’on souhaite voir poindre  les frimas et la tardive lumière disparaître, mais une petite fraîcheur annonçant un froid revigorant ne serait pas pour déplaire à certains. Il viendra à son heure. Les superbes photos de ce livre ouvrent la marche vers ces journées qu’accompagnent les brumes, les pluies et les nuits tôt tombées. 


Contrairement à ce l’on pense souvent, la végétation en hiver compose des fééries qui passent trop inaperçues. L’auteur, admiratif depuis l’enfance de ces temps où la nature comme morte avant le renouveau du printemps semble ne rien offrir au regard, démontre qu’au contraire, rien qu’avec des écorces, des tiges, des rameaux, des feuilles persistantes, elle se pare de couleurs aussi vives et variées qu’en plein été et dans des gammes de tons à l’évidence aussi larges.

 

Parcourant inlassablement la campagne, cet aventurier-poète observe avec son objectif cette lente mutation de la beauté végétale estivale. Sa leçon est que les éblouissements de la saison froide ne sont pas inférieurs à ceux de la saison chaude, bien au contraire. Contempler ces paysages où le bouleau, le cornouiller, le cerisier, le magnolia, l’érable, jusqu’aux humbles bruyères, aux mousses et aux fines graminées harmonisent leurs troncs, leurs écailles et leurs rameaux, est un plaisir renouvelé, insolite, étonnant. Equipé de son appareil posé sur le trépied qu’il plante partout où la main humaine aime et pactise avec la nature et ses floraisons, à sa sensibilité esthétique de photographe Cédric Pollet ajoute ses compétences de botaniste. 


Il rassemble dans ces pages de splendides vues des jardins visités qui, au cœur de l’hiver, apportent les notes éclatantes de leurs parures hivernales. Il possède plus de 20 000 clichés amassés au cours de ses promenades, à la recherche de ces gerbes, ces apothéoses et ces bouquets qui explosent dans un parc, un arboretum, un vallon, sous le givre, sous la bruine.

 

Voilà environ deux siècles, chez nos voisins anglais, un grand intérêt doublé sans doute d’une mode pour les spectacles dispensés par les arbres vêtus de décorations chatoyantes, s’est déclaré. Il s’est répandu ensuite en Europe puis ailleurs dans le monde. Les jardins d’hiver avec des engouements divers et des réussites variées, devenaient une source de somptuosité authentique pour les amateurs. Marks Hall Gardens, The Manor House, Wisley, La Pommeraie, Le Vasterival, La Mare aux trembles, sont des lieux pour le moins séduisants grâce aux ornementations végétales que des soins attentifs ont conçues, semées, plantées, aménagées, sélectionnées. Car pour que ces espaces soient à même de produire ces enchantements éphémères, il faut savoir comment organiser et associer les espèces, connaître les textures, comprendre les inflorescences, apprécier par avance les formes à venir. On voit que la ronce qui pique n’est pas moins belle que le bambou qui plie, que la baie jaune de l’Ilex aquifolium pas moins appétissante que les boutons soyeux de l’Edgeworthia chrysantha. Les noms latins participent à ce plaisir de la découverte et aux émerveillements proposés par une nature prodigue en prodiges. 

 

Dominique Vergnon

 

Cédric Pollet, Jardins d’hiver, une saison réinventée, éditions Ulmer, 224 pages, 480 photos, 24,5x32 cm, septembre 2106, 39,90 euros. 

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