Isabelle Sobelman : Bernard Lamarche-Vadel le suicidé de la société

Lamarche-Vadel reste un écrivain et un esthète méconnu. Il abhorrait le phrasé da la langue française en son inclination « à négocier ». Et de souligner au passage que cette langue se soit prêtée « admirablement à être celle de la Collaboration ». On ne lui pardonna pas. Et on ignora la recherche de ce qu’il nomma une « phrase frontalière » rédimée à la syntaxe allemande. L’art poétique de Lamarche-Vadel fut donc celui de la disjonction et de l’altération moins baroques qu’on ne le pense. Le déséquilibre, la disharmonie, le goût pour le détail et le mot précieux ou de la figure de rhétorique la plus sophistiquée furent la recherche de l’insaisissable revendiqué comme tel. Le livre d’Isabelle Sobelman lui fait d’ailleurs miroir dans ses visions difractées et plurielles.


L’auteure fut une proche du suicidé de la société. Il lui avoua dans une interview "Jamais on ne doit oublier dans mon cas que je suis le produit d'un viol, à ce titre, pour ceux qui avaient la charge de m'élever me revenaient les travaux de la mort, de droit, et dans le but de m'y confondre. Il me fallait une légende qui pût m'extraire de mon ignominieuse singularité, l'englobe, la prolonge et la métamorphosera, l'art est cette légende ».


De fait aucune légende ne put le sauver : à cinquante ans il mit fin au parcours puisque l’art et la photographie  qu’il aimait,  la littérature qu’il magnifia demeurèrent des témoins inassermentables. L’expérience de l’« enfermement » chevilla l’homme et l’œuvre. Isabelle Sobelman rappelle pourtant par touches impressionnistes ce qui émouvait l’auteur. Elle creuse aussi sa solitude avec simplicité et hors pathos. « Sans école, rebelle à entrer dans le rang  rétinien du descriptif, il préfèrera toujours parcourir l’invisible » écrit celle qui évoque la curiosité de l’esthète pour les « réseaux souterrains, aux nœuds essentiels ».  Il suivait les premiers, tranchait les second « Un stylo dans une main, un revolver dans l'autre » avant de renoncer et de plonger dans la mort. Isabelle Sobelman l’en sort pour évoquer le dur métier de vivre de l’ami disparu.


Jean-Paul Gavard-Perret


Isabelle Sobelman, L’ami déclaré, Derrière la Salle de Bains, Rouen, 24 pages, 10 €, 2014

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