Jusqu'à l'ivresse de Claire Boitel

Sous des parterres de roses Claire Boitel nous jette sans remparts au milieu de deux serial killers. Ils ne se ressemblent guère et c'est peut dire. L'un est doux, l'autre raide.
Tous pour tuer l'ennui veulent qu’il se passe quelque chose. Être garde chiourme dans un MacDo, boire du Coca, manger des frites avec du ketchup qui me fait penser à du sang sucré, ne sont que des pis-aller.
C'est bien connu, les tueurs en série ont des impatiences dans la tête. Et certaines violences les font saliver. Pour autant ils ne sont pas tous de la pire espèce quand les roses s'en mêlent. Il peut exister des histoires sinon d'amour au moins d'amitié. Mais auxquels nul n'est tenu.
C'est là où le bât blesse mais fait aussi le sel d'un tel roman d'ivresse à tous les sens du terme. Néanmoins tous les méchants ne seront pas condamnés. Surtout quand ils ont des yeux bleus de panthère - toutefois cette clause ne suffit pas forcément.
Sachons que – pour le moins écrivain des deux tueurs qui contemple ses piles de manuscrits – ils demeurent contrairement à ceux du narrateur une compilation de jeunes filles mortes. À ce titre, il est devenu célèbre. Mais l'autre, personne ne l'a lu, il est le seul lecteur valable de son œuvre et son seul lecteur effectif. Ses mots n’ont pas été souillés par un regard impur.
Est-il pour autant parfait ? Au lecteur de le dire en suivant ce jeune homme au teint uniformément blême- la peau même de la lune, la mère des Blancs ? Mais cela n'est qu'un des moindres aspects de ce roman apparemment claustrophobique qui dépote dans son humour particulier et ses amas de corps couleur de craie. Souvent ne durent guère plus longtemps que – sinon les roses – du moins leurs rosiers.

Jean-Paul Gavard-Perret

Claire Boitel, Tuer des roses, Douro, septembre 2022, 162  p.-, 17€

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