La collection du musée de Neuchâtel, une belle occasion de découvrir des peintres helvétiques

Constituée au début du XIXe siècle, la collection des peintures et dessins du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel fait l’objet d’un premier tome qui sera suivi de trois autres, afin de présenter sinon l’ensemble du moins les œuvres majeures appartenant au MAHN. Cette publication couvre la période allant de 1500 à 1900. L’origine de cette collection provient du don généreux et décisif d’un artiste peintre suisse, Maximilien de Meuron (1785- 1868), dont on peut voir dans l’ouvrage près d’une dizaine d’œuvres. Parmi elles, figurent les deux vues de Rome, exécutées en 1816, qui marquent précisément le point de lancement du musée de peinture de la ville suisse, jusqu’alors privée d’un tel établissement digne de ce nom et susceptible de répondre aux attentes d’une population désireuse de mieux connaître son patrimoine artistique. Ces deux huiles sur toile, représentant l’une la Rome ancienne avec ses ruines, l’autre la Rome moderne avec ses églises, témoignent à la fois de l’attrait de l’artiste pour l’Italie et de son style reconnaissable ailleurs, largement descriptif, soucieux des détails, mêlant nature et ville, le plus souvent baignées de lumière chaude et dorée. On sent chez lui cette influence du néoclassicisme allemand qui a formé d’autres peintres helvétiques.

 

Progressivement, grâce à une politique d’acquisitions par achats et surtout par legs conduite avec sérieux et ouverture, la collection du musée qui n’était alors qu’un bâtiment portant à son fronton l’inscription « BEAUX-ARTS » s’est amplifiée. De 150 tableaux et quelques 200  dessins au début des années 1880, la collection passait à 850 en 1907, puis à 2330 en 1953 pour atteindre en 2010 le chiffre de 4050 numéros d’inventaire. Toutes les catégories artistiques sont présentes, la section des paysages qui domine incontestablement s’étant trouvée rapidement complétée par un apport important de portraits.

A côté de peintres à la renommée établie comme Coypel, Corot, Sisley, Manet, Jongkind, Degas, les noms d’artistes moins ou peu connus voire ignorés du public apparaissent dans la solidité et la diversité de leur talent. La découverte de nombreux peintres suisses constituent une intéressante proposition, jusqu’alors rarement faite au public francophone. Plusieurs exemples servent cette démarche et le choix est suffisamment large pour pouvoir citer des noms sinon au hasard du moins en essayant de les rapprocher des œuvres qui intègrent cette publication. Décédé en 1807, Balthasar-Antoine Dunker figure au rang de ces graveurs méjugés qui ont travaillé à Berne et qui ont produit des vedute souvent de grande qualité, comme le prouve son dessin à l’encre, plume et lavis de sépia, réalisé sur le motif, montrant des maisons enserrées dans des montagnes abruptes. Lucernois, auteur de retables de style baroque et surtout de séries de costumes typiques suisses, Josef Reinhard fut aussi un portraitiste habile, comme on le voit avec le tableau où il campe avec brio un ami, Alexandre Girardet, qui selon ce que l’on lisait  dans « Le Recueil d’histoire nationale et d’archéologie » publié à Neuchâtel en 1869, était « un type bizarre, fantasque, mélange de talent, de drôlerie et d'humour…graveur, peintre, libraire, professeur et fripier d'habits » ! Son nom évoque une dynastie d’artistes portant aussi le nom de Girardet, notamment Edouard, né à Neuchâtel, spécialisé en scènes de genre. Ses frères, Karl et Paul ont également laissé des œuvres attachantes. Plusieurs toiles d’Alexandre Calame (1810-1864), révèle un habile aquarelliste et un interprète romantique des décors alpestres. Précisons qu’un autre Calame, Charles-Edouard, cousin du précédent, étudiant à Paris chez Léon Cogniet, se distingue par un élégant dessin à la plume où les détails des arbres et des rochers évoquent certaines gravures pittoresques flamandes. A citer encore Auguste Bachelin, non seulement peintre formé à Paris auprès de Charles Gleyre et Thomas Couture, mais aussi critique d’art et historien et à ce titre auteur de tableaux militaires. Quant à Frank Buchser, grand voyageur, il fait preuve d’un sens aigu des couleurs et des contrastes (Un insurgé espagnol, 1858). Bien d’autres artistes sont mentionnés avec en regard certains de leurs tableaux visibles au MAHN dont le célèbre Albert Anker, qui a été longtemps apprécié de toute la bourgeoisie du XIXe.


Un des mérites de cet ouvrage et non des moindres est donc de permettre de découvrir cet art proprement suisse, certes souvent cantonné à des aspects de la vie locale mais qui dépassant les académismes et parfois les frontières, a su s’exprimer par des innovations picturales et des effets originaux. Les notices rédigées par des étudiants en histoire de l’art, corrigées au besoin par des professeurs et des conservateurs, permettent de bien situer dans leur contexte social et artistique tous les peintres retenus dans le cadre de cette première parution. On trouvera en fin de volume des informations sur les expositions d’art qui se succédèrent à Neuchâtel et des données bibliographiques utiles sur les parcours des artistes et de leurs œuvres. La suite est attendue avec intérêt.  


Dominique Vergnon


Ouvrage collectif, La collection de peintures et de dessins du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel (1500-1900), Editions Ides et Calendes, 444 pages, 200 illustrations couleurs, relié, 49 euros.

 

 

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