Merci Hölderlin ! Billet d'humeur

Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions à travers l’épaisseur de l’Histoire, les fantômes d’immenses navires qui furent chargés de richesse et d’esprit écrivait Valéry dans La crise de l’esprit, en 1919.
Depuis, de l’eau, certes, a coulé sous les ponts ; toujours pas de la plus claire…
Sciences et techniques continuant à faire des bonds en avant sans cesse de plus en plus stupéfiants tandis qu’intérieurement nous nous en sommes trouvés à mesure appauvris, et même, semble-t-il, proportionnellement ; jusqu’à l’absurde de nous auto-attribuer tous les droits, d’exercer tous pouvoirs, y compris celui de tout détruire, ou presque, au passage.
Au passage, peut-être bien, car ce ne sont plus seulement les civilisations que désormais nous savons mortelles mais bel et bien le genre humain lui-même au cas où nous ne laisserions pas certaines lois immémoriales reprendre la main sur le destin de la planète et continuions à sacrifier en masse aux Veaux d’or, d’argent, de bronze, et autres pacotilles, à travers mille idoles.
Heureusement, pourtant, et je veux bien le croire : Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve.
Merci  Hölderlin !

André Lombard

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