La poésie de Charles Vildrac : entre désespoir & renouveau

N’allez pas croire que ce recueil relève du sinistre et ne verse que dans le tragique. S’il y a bien une élégie pour un camarade disparu et quelques poèmes tristes à pleurer – Grande guerre oblige – il ressort également de cette courte lecture un chant d’espoir dans ce que l’Homme a de plus beau en lui : cette incroyable faculté à renaître. Sitôt qu’il chutât, il se releva, s’épousseta et marcha derechef vers le soleil… D’ailleurs, Pierre Reverdy, en 1948, ne dira-t-il pas, en substance, la même chose : qu’il n’y a plus de raison d’avoir peur car il n’y a plus de place que pour l’espoir ?
Ce renouveau tant rêvé dans les tranchées par ces poilus qui mangeaient de la terre et buvaient l’eau de pluie trouve ici toute sa portée dans une langue épurée.

 

C’est la détresse éternelle,

C’est la volupté

D’aller comme un pèlerin

Plein de mort et plein d’amour !

 

Plein de mort et plein d’amour,

Je chante, je chante !

 

C’est ma chance et ma richesse

D’avoir dans mon cœur

Toujours brûlant et fidèle

Et prêt à jaillir,

 

Ce blanc rayon qui poudroie

Sur toute souffrance ;

Ce cri de miséricorde

Sur chaque bonheur.

 

Né à Paris en 1882, Charles Messager – qui allait devenir Vildrac en clin d’œil à Wildrake, un personnage de Woodstock, le roman de Walter Scott – fonda en 1905, avec Georges Duhamel, l’Abbaye de Créteil – une « libre villa Médicis », selon son créateur – une communauté de jeunes artistes engagés dans l’humanisme et la poésie. Grand pédagogue et libertaire avant Camus, Charles Vildrac devint célèbre par ses pièces de théâtre dans les années 1920 (notamment Le Paquebot Tenacity, pièce montée au Vieux-Colombier par Jacques Copeau puis portée au cinéma par Julien Duvivier). Sa poésie restant dans l’ombre, parent fragile que seuls quelques initiés lisaient…

Il défraya aussi la chronique quand, dans sa galerie du 11 rue de Seine, il vendit Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte, de Georges Seurat, à un collectionneur de Chicago.

 

Malgré ses deux métiers prenants, Vildrac se voyait néanmoins plutôt poète, œuvrant en silence, publiant peu ; s’adonnant parfois à la littérature pour la jeunesse, mais toujours dans la quête des mots qui feront rejaillir la musique de la vie, simple, admirable, affolante…

 

Je connais, dans un ravin

Obstrué par les feuillages,

Une carrière ignorée

Où nul sentier ne conduit.

 

La lumière y est furtive

Et aussi la douce pluie ;

Et un seul oiseau parfois

Interroge le silence.

 

C’est une blessure ancienne,

Etroite, courbe et profonde

Oubliée même du ciel ;

 

Sous la viorne et sous la ronce

J’y voudrais vivre blotti.

 

 

François Xavier

 

Charles Vildrac, Chants du désespéré 1914-1920, Poésie/Gallimard n°518, novembre 2016, 96 p. – 6,20 euros

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