Jean-Marc Parisis, A la recherche de la couleur : Un roman injustement oublié

A cinquante ans, François Novel, un romancier n’est pas un homme fini mais un être en déprise. Par ce beau néologisme, Jean-Marc Parisis décrit le début du renoncement : «  un accablement, une aversion soudaine pour le décor humain », c’est à dire tous ces gens qui l’entourent, qui parlent mal, surtout pour ne rien dire. Il déteste son époque, dont le symbole, les Champs Elysées sentent la destruction. Fascinante la destruction, bien plus que la mort.


Cet écrivain  est un de ces êtres impossibles à cerner : marié à  une femme qu’il aime mais ne désire plus, il songe à la quitter. Il n’aura pas à se donner cette peine : elle meurt dans un accident sur l’autoroute.


Est-il malheureux ? Pas beaucoup plus qu’avant. Sa désolation à lui, c’est la vulgarité de l’époque qui ne se remet pas de l’apocalypse  déjà advenue  au XXe siècle.


Tandis qu’il écrit sur les romantiques allemands, cite Baudelaire, Novalis ou Nerval qu’il a vraiment lus, il continue à évoluer dans un milieu qui le dégoûte, descend très loin dans la fange avec une chanteuse ratée. « Se fondre dans la ville c’est encore écrire » dit-il.


Paris est un cinéma à ciel ouvert. Chaque ligne de métro lui rappelle un film. Chaque rue un écrivain.

Il n’est pas dupe, Il sait « qu’on avait toujours de bonnes raisons pour ne plus voir les gens. Il suffisait de les revoir pour comprendre pourquoi on ne les voyait plus ». Son carnet d’adresses s’allège, parfois à coups de poing.

 Il vit sans vivre jusqu’au jour où lors d’un accrochage entre un taxi et une très  jeune cycliste, «  une caméra de banque fait mieux que le cinéma » en filmant l’impossible d’un coup de foudre.


L’homme qui évoluait dans le gris de la jeunesse perdue retrouve avec Sophie une jeune Américaine une certaine forme de couleur : peut-être LA couleur.

 

Ecrit dans une langue merveilleuse,  la recherche de la couleur est un roman d’esthète amoureux. L’auteur parle de « faire l’oubli » plutôt que de « faire l’amour ». A la jeune fille qui lui demande s’il est français, il répond d’une phrase qui chante comme un vers : « je suis français d’une langue qui me fait frissonner de Villon en Aragon ».


Comme  certains êtres, comme son héros peut-être, ce livre est  trop intelligent. Sa beauté, sa finesse le désaxent, le rendent inclassable. A chaque page des  fulgurances, des inventions stylistiques bouleversent le lecteur.

 

Jean-Marc Parisis livre un roman en dehors du temps et du quotidien, très différent des Aimants paru en 2009. A lire et surtout relire par petites touches, toutes de grâce et de poésie.


Brigit Bontour

 

Jean-Marc Parisis, A la recherche de la couleur, Stock, août 2012, 183 pages, 18 €

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