Jacqueline Fischer au fil du temps

Face à l’œuvre poétique de Jacqueline Fischer une question surgit : comment se fait-il que tout cela soit si incroyablement visible. La réponse semble simple : de telles poèmes acceptent l'éphémère mais aussi le temps long. Et l'auteure joue un rôle d'intermédiaire, d’entremetteuse entre eux. Reste par ce qui a eu lieu et ce qui attend encore.
La poésie témoigne d'un passage de l'un à l'autre.

Jacqueline Fischer n'est ni dans la sensorialité pure et encore moins dans le rationnel. Elle n'est pas non plus dans une superposition des deux. Elle se situe dans l'entre-deux qui sépare au sein du temps deux choses de même nature. D'où ces suites de fables, de choses vues, de paysages intermédiaires, des marges centrales. La poésie devient à ce titre ni totalement tranquille, ni absolument inquiète, ni arrêtée, ni muette. Elle possède le mérite d'avancer en ce long cours, d'apaiser sans édulcorer et ce parce que l'ironie demeure. Et cette oblique reste essentielle.

La poétesse et plasticienne exprime le développement en dissonance de diverses harmoniques. Et là où tant de d'auteur enrobent, la créatrice retourne la chose vue sur elle-même au sein de la contrainte formelle malaxée avec fantaisie.

ll ne faut pas chercher l’ailleurs mais l’ici-même dans l’ascèse, le recueillement et l'humour.  Une telle œuvre s’éloigne autant du luxe de pacotille que de la réserve de l’avarice. Elle s’avance libre, chargée du seul désir de vie sans la moindre certitude sur ce qu’elle rameute. Elle garde, à ce titre, plus de connexions avec les parfums de lessive et des champs qu’avec des respirations lascives et essaye simplement à toucher une sorte de justesse interne par effets de surface qui transforment les victoires en défaites.

Jacqueline Fischer descend ou monte dans le réel. 
Elle n'a pas peur que la terre lui manque et ne craint pas sa force de gravité mais elle sait s’en détacher. Son œuvre garde une vocation particulière : elle fait reculer le chant des certitudes et met une grâce dans les pesanteurs.


Jean-Paul Gavard-Perret

Jacqueline Fischer, Œuvre poétique, 1966 -2020, Chez l'auteur, 20 février 2021,  518 p., 20 €

 

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