Au pays des merveilles d’Alice Sandair

Et si. Et si, au lieu de courir après sa montre, comme le lapin d’Alice – l’autre, celle du conte – on pouvait sortir du temps. Rejoindre une sorte de quatrième dimension. Un lieu autre. Un endroit où vivre ne serait plus douloureux. Où l’harmonie entre un homme et une femme pourrait s’épanouir autrement que dans le rapport de force et la sexualité débridée. Un seul endroit sur la planète où cela est possible. L’Inde.

Jacqueline Merville écrit et peint. Une dizaine de livres ponctuent déjà son œuvre. Déterminée, elle partit seule en Inde, en 1990. Une décennie de voyages et de découvertes. Autant dire que ce roman porte en lui une essence autobiographique. Alice Sandair est son indienne. Un double qu’elle nous dépeint dans une belle écriture à fleur de peau…
Ce roman est l’accomplissement d’un retour vers la jeune femme qu’elle fut. D’un environnement extraordinaire. Deccan et sa forêt de bambous. La communauté qui vit en autarcie. Seuls face à l’enseignement d’un philosophe décédé. Retour à l’essentiel. Vie simple, loin de tout leurre. Mais la communauté n’est pas l’anarchie. Il y a des règles, des codes indiqués par la couleur des robes portées par ses membres. Divers groupes appelés laboratoires de la psyché. Et comme partout – toujours – des paradoxes inhérents aux contrastes entre la beauté et la pauvreté. La forêt luxuriante et la crasse de la rue…

Mais dans une démarche spirituelle, il convient de s’élever. Alice saura donc saisir ce qu’elle est venue chercher. Ici se trouve l’essence d’un nouveau nom. Ici se côtoie une langue d’une grande richesse. Et par l’échange se nouera une relation. Celle qui lui donnera un compagnon de vie. Un double qui l’aidera à se détacher de l’existant. À parcourir la région. Découvrir l’insondable et traverser, tel les cercles de la Divine comédie, les strates du vécu pour mieux savourer l’instant avec son autre. Tropisme indien qui ne se laissera jamais réduire à des doctrines toutes faites ; bien au contraire !

Une lecture tonique servie par une prose docile qui se déploie dans un roman coloré. Une peinture de la vie singulière d’un ashram indien vécu à la première personne.

Annabelle Hautecontre

 

Jacqueline Merville, Le Voyage d’Alice Sandair, éditions des femmes/Antoinette Fouque, mars 2020, 272 p.-, 16 €

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