Jacques Chardonne, Paul Morand : les sceptiques en écho

Dans ce troisième tome d'une correspondance entamée en 1949 et achevée quasiment vingt ans plus tard à la mort de Jacques Chardonne en Mai 68, les deux compères se livrent toujours à leur jeu de massacre envers les vivants et les morts du monde littéraire : Cocteau, Drieu de la Rochelle, Mauriac, Sartre, Malraux, Saint-John Perse et Jouhandeau sont "revisités" et de jeunes premiers (Le Clézio, d’Ormesson) sont adoubés.

Les deux correspondants assistent à une  fin d'un monde au moment où, pour Morand, une amitié littéraire importante se termine. Le temps où cette paire d’anarchistes conservateurs (Morand) allait de concert se ferme.

Ils restent néanmoins observateurs avisés  des bouleversements de l'époque tout en cultivant les points terminaux de leurs œuvres respectives. Morand demeure encore L’Homme pressé partout chez lui, Chardonne pour ses dernières années se voitcomblé par l'attention d'une jeune garde littéraire   qui lui redonne une jeunesse. Le voici de nouveau à la mode et, va publier pour peaufiner la lumière de son crépuscule Demi-Jour.
Il reproche encore à Morand sa légèreté coupable en politique, ses errements antisémites. Mais grâce à lui Morand trouve dans ces ultimes lettres de quoi nourrir son Journal inutile.
S'épaulant pour briser des murailles de non-dits ils lancent encore leurs pavés dans le marigot et parigot littéraires. Aux repentances les deux préfèrent les dérives.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Chardonne, Paul Morand, Correspondance, tome III : 1964-1968,  édition de Philippe Delpuech et Bertrand Lacarelle, annotations de Laurence Brisset, coll. Blanche, Gallimard, novembre 2021, 1184 p.-, 48 €

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