Richard Morgièvre : être ou ne pas être

Richard Morgièvre à travers « Les hommes » crée l'instabilité de manière précise, mais avec encore beaucoup de références à une narrativité plus classique. Néanmoins l’auteur dénonce la parole, casse la probabilité des images. Il conduit le roman vers un silence au plus près de la vérité d’un être qui comprend qu'un sentiment de nécessité peut être suivi d'un sentiment d'absurdité.

Non seulement le héros a du mal à distinguer ce qui arrive - ou pas - mais il a perdu la moindre lumière sur ce qui le désigne et le rend imperceptible aux autres et à lui-même étant par « définition » indéfini. Apparaissent différents degrés de perception du réel et de soi fait d’une incertitude foncière que Morgièvre creuse.

La réalité tangible disparaît dans une communauté avec ceux qui n'en possèdent pas. Se retrouve ici la problématique chère à l’auteur: tous ces personnages sont placés aux frontières de toute constitution digne de ce nom. Ils restent à l'état de "naître sans être né" pour reprendre la formule de Gilles Deleuze. A ce titre, si toute œuvre est une machine à remonter le temps, dans ce roman, elle ne peut fonctionner qu'en détraquant.

Jean-Paul Gavard-Perret

Richard Morgiève, Les hommes, Joëlle Losfeld, août 2017, 376 pages, 22,50 €

 

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