Vivre en Provence selon Jean-Paul Clébert

Par-delà toutes les qualités littéraires (et autres) énoncées et impérativement requises par la critique pour être rangés parmi les bons bouquins, il en est qui, n'empêche, sont nos grands livres, sui generis, parce qu’ils se sont ouverts entre nos mains juste pile-poil au bon moment, à la bonne heure ; nous ont providentiellement aidé à nous ancrer en nous-même, ou nous délester de quelque chose, nous emporter ou nous donner des ailes selon telle soif ou telle de nos faims, pour ne citer qu’elles, dans le continuum, cabossé ou pas, de notre histoire personnelle. C’est qu’ils nous ont tout simplement – mais profondément – fait du bien, encouragé et soutenu dans notre quête, poussé en avant sur le long terme tout en éclairant quelque temps notre quotidien, lanterne au poing.
L’auteur s'étant ainsi tout naturellement glissé parmi nos autres compagnons de route favoris ; cela, parfois en quelques poignées de pages seulement. De Richaud et Delteil sont, entre quelques autres, de ceux-là pour moi, étoiles du matin.
Ouvrages que l’on ne cesse pourtant,  bien que les connaissant par cœur – c’est bien le cas de le dire ! –, de redécouvrir et de s’y retrouver à chaque nouvelle lecture de nouveau tout entier rafraîchit comme au retour d’un pèlerinage intérieur en quelque sorte.
Bref, tandis que, comme je l’avais choisi et décidé, j’y faisais mon nid au sortir de celui de papa-maman, il y eut un jour, gorgées de soleil – et pour moi alors mûres à point –, les deux-cent-cinquante pages de Vivre en Provence de Jean-Paul Clébert qui, pendant tout le temps de mon installation et encore au-delà, me tint lieu, à vrai dire en miroir, d'authentique petite Bible en matière d’art de vivre en pleine campagne en phase avec mes semblables et avec la nature au rythme de chacune des quatre saisons.
Tout un programme, comme on peut le lire et en juger sur la quatrième de couverture : Vivre en Provence, c'est d'abord découvrir, explorer et rêver, c'est dénicher une maison, la retaper, et un jour allumer son premier feu de bois. C'est aussi résider toute l'année en supportant les solitudes de l'hiver. C'est avoir des enfants nés dans le pays, converser avec les autochtones, participer à la vie du village et s'y faire adopter. C'est revenir à une vie frugale, une économie domestique, une cuisine fidèle aux saisons. C'est faire pousser ses propres légumes, jouer aux boules, guetter le mistral et faire la sieste, c'est enfin travailler, peindre ou écrire, fabriquer, réparer des objets ou regarder le soleil se coucher. Vivre dans le Luberon, c'est peut-être se retirer ou se replier hors du monde, mais c'est aussi apprendre à mieux appréhender, à aimer cette terre millénaire pour mieux la transformer.
Mais, aïe, aïe, aïe, livres aimés que l’on prête bien sûr volontiers à l’ami de toujours comme à l’inconnu de passage…
Promis-juré, croix de bois, croix de fer…tout ce que l’on voudra, en général rien n'y fait : livres que l’on ne revoit donc le plus souvent jamais plus sinon, impromptu, à la devanture d’un bouquiniste quand ils ne sont pas réédités ! Mais, c’est heureux, initialement paru chez Tchou en 1978, Vivre en Provence l’a été vingt ans plus tard, aux éditions de l’Aube. Sans aucun doute ne tardera-t-il pas maintenant à l’être de nouveau tant il reste d'actualité.
Quand à l’acheter, le lire, ou le relire ? En ces temps obscurcis et troublés, c’est, à chacun, la grâce que je vous souhaite !

André Lombard

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Jean-Paul Clébert, Vivre en Provence, éditions de L’Aube, 1998, 250 p.-, 28€

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