Unité 8200 : les poupées russes version israélienne

Le concept de l’arroseur arrosé est une carte qui fonctionne toujours très bien, que cela soit dans le gag potache au cirque ou dans la comédie, au théâtre ou au cinéma ; mais qu’en est-il dans le monde de l’espionnage ? Cela est encore pire, car les couches sont plus nombreuses et la paranoïa s’invitant, tout le monde espionne tout le monde, personne ne croit plus en rien, la confiance s’étiole et le lecteur se régale. Dov Alfon prend des airs de David Mamet pour nous embarquer dans une aventure extraordinaire qui s’écoule sur vingt-quatre heures et qui n’a rien à envier à la célèbre série télévisée : il est quasi impossible de refermer le livre sans l’avoir terminé… Fragmenté en plusieurs courts chapitres, l’intrigue s’emballe, les chausse-trappes se déplient, l’invraisemblable devient plausible, l’impossible une réalité.
Tout part d’un malentendu – un jeune ingénieur israélien disparaît à son arrivée à Roissy – de cette enquête confiée par défaut à un commissaire de la criminelle désabusé et peu enclin à servir de fusible pour le ministre de l’Intérieur qui sent déjà que l’affaire risque de ternir le vernis des relations entre les deux pays. Si bien que l’arrivée dans le jeu d’un colonel fraîchement muté dans une unité d’élite de Tsahal qui officiellement n’existe pas le rend joueur. D’autant qu’un gang chinois s’invite dans le tour de table.

Ce qui aurait pu tourner très vite à un classique du genre devient, grâce à l’habileté d’Alfon – ancien officier supérieur de la dite 8200 – un livre différent qui nous confirme la toute puissance des systèmes d’écoute et les parties d’échecs que mènent les dirigeants (politiques et économiques) de par le monde, sans parler de la désinformation quasi systématique dès lors que l’on touche à des sujets sensibles.
Une erreur est une déviation d’un comportement établi […] Ce que pensaient les hommes du Premier ministre n’avait rien à voir avec ce qu’ils disaient. Et ce qu’ils disaient n’avait rien à voir avec ce qu’ils faisaient.

C’est subtile, drôle, et particulièrement tordu, comme le sont les affaires mêlant politique, finance et patriotisme. C’est totalement crédible, fort bien documenté et parfaitement implémenté, aussi bien dans l’univers parisien que dans le monde feutré du pouvoir. Quelques portraits piquants rappellent sans les nommer de drôles de sires pétulants qui confirment l’épouvantable image que porte la gente politique… Avec un personnage féminin très attachant, anti James Bond, intelligente et insolente, commandant par intérim et idéaliste, deux particularités qui vont la porter à devenir une pièce maîtresse dans l’imbroglio de cette enquête décapante…

 

François Xavier

 

Dov Alfon, Unité 8200, traduit de l’anglais par Françoise Bouillot, Liana Levi, avril 2019, 392 p. – 21 €
Lire les premières pages...

Aucun commentaire pour ce contenu.