Luc Mary, Hannibal, L’homme qui fit trembler Rome : 35 ans de combats

Bonne idée, à une époque qui s’ensanglante chaque jour un peu plus – quelque 60 000 morts en Syrie au bout de deux ans de guerre civile – alors qu’on attend en se mordant les lèvres le prochain modèle d’IPhone, bonne idée donc que de rappeler à nos concitoyens une époque reléguée aux livres d’histoire pour les quelques égarés qui s’obstineraient à étudier l’Antiquité.

 

Au IIIe siècle avant notre mis-ère, les États-Unis et l’URSS de l’époque, c’est-à-dire Rome et Carthage, s’affrontent. Carthage, grande puissance méditerranéenne fondée au VIIIe siècle av. J.-C. en Afrique du Nord (la cité elle-même se trouvait à une vingtaine de kilomètres de l’actuelle Tunis) inquiète Rome. Elle a imposé sa tutelle aux comptoirs commerciaux de la Méditerranée occidentale, elle a installé ses propres comptoirs en Espagne, aux Baléares, en Sardaigne, sur la côte ouest de la Sicile et en Corse, sa flotte est immense, ses navigateurs émérites (son roi Hannon a exploré au Ve siècle av. J.-C. les côtes de l’Afrique occidentale). La partie va se jouer en trois guerres, dites puniques.

 

Carthage a perdu la première (-264 -241) et avec elle, ses têtes de pont de Sicile, de Sardaigne et de Corse. C’est sur un personnage majeur de la Deuxième Guerre, Hannibal, de la puissante famille des Barcides, que Luc Mary concentre ses projecteurs. Chef de guerre courageux et bon stratège, Hannibal brûle d’emporter sa revanche : en -218, il décide de s’attaquer à Rome elle-même. Il franchit l’Èbre, les Pyrénées et les Alpes à la tête d’une… éléphanterie (c’est le mot qui doit se substituer à « cavalerie » de quatre-vingts pachydermes. L’exploit suscite aujourd’hui l’incrédulité ; peut-être aurait-il fallu rappeler qu’il existait en Afrique du Nord une race d’éléphants nains, qui subsistait au Congo jusqu’au XXe siècle, animaux beaucoup plus maniables que ceux que l’on connaît généralement. En 211, Hannibal parvint à une douzaine de kilomètres de Rome. Et là, le vent de l’histoire tourna en sa défaveur. Il s’était installé à Capoue ; la ville tombe aux mains des assiégeants romains. Son frère Hasdrubal était parti à son secours avec des troupes fraîches : il est tué au combat. Hannibal reste bloqué au nord de Rome ; il le restera longtemps.

 

Entre-temps, un général romain, Scipion l’Africain, est parti, lui, en Afrique du Nord, à la conquête de Carthage. Hannibal revient en Afrique. En octobre -202, Carthaginois et Romains s’affrontent dans la plaine tunisienne, à Zama. Scipion l’emporte. Il épargne Carthage, où Hannibal tente de restaurer prestige et pouvoir. Mais le Barcide n’y est plus le bienvenu : il s’enfuit en Orient, chez Antiochus III, roi séleucide de Syrie. Il n’y est pas bien reçu : Antiochus nourrit ses propres projets de conquête, qui vont tourner court en -189, dans la plaine de Magnésie. Hannibal s’enfuit en Crète et prend la mer à la tête d’une flottille de trente galères. Il remporte quelques victoires, mais en -183, il tombe aux mains du Romain Flaminius : il se suicide à 64 ans, au poison. Il avait passé 35 ans à se battre.

 

L’auteur le crédite d’habileté en stratégie : la conviction ne s’en impose pas, car sept ans de Carthage au Latium, c’est bien long ; Napoléon, lui, démontra l’importance de la rapidité en campagne. Mais cela n’affecte pas le mérite d’un livre mené d’une plume ferme et riche.  

 

Gerald Messadié

 

Luc Mary, Hannibal, L’homme qui fit trembler Rome, L’Archipel, février 2013, 322 pages, 18,95 €

 

3 commentaires

Je me trompe peut-être, mais je trouve que comparer la manière de mener une campagne entre Napoléon et Hannibal n'est pas vraiment approprié.  Les armes, les techniques, les moyens et les buts de campagne n'étaient pas du tout les mêmes. En revanche, une très bonne remarque concernant la taille des éléphants, ça nous sort des tableaux habituels et replace cela dans le bon contexte.

Contrairement aux dernières lignes de la critique, je pense qu'Hannibal et Napoléon avaient des points communs: l'audace, la rapidité, le coup d’œil. Sur le plan de la technologie, cela n'a évidemment rien à voir bien sûr. Mais le parallèle peut être envisagé. Sachez aussi que la bataille de Cannes a été l'inspiration des stratèges allemandes jusqu'à la seconde guerre mondiale!

Bon à savoir, merci !