Krøyer, le Monet venu du froid

Enfin ! Enfin une exposition qui sort de l’ordinaire. Enfin une découverte. Et quels chefs-d’œuvre méconnus exposés sous nos yeux incrédules ! Dans la droite ligne de la Fondation l’Hermitage, à Lausanne, le musée Marmottan-Monet ose montrer des artistes venus d’ailleurs. S’entend hors du monde connu. Des sempiternelles affiches (Monet, Gauguin, Mant, Renoir…). Ainsi Peder Severin Krøyer qui nous arrive du Nord. Danois et/ou Norvégien – dans la pure tradition de l’époque qui vit, avec la Suède, ces trois pays jouer avec leurs frontières, leurs langues et leur nation – Krøyer est avant tout un peintre scandinave. Mais aussi un amoureux de la France. Et c’est à Paris qu’il vint se perfectionner. C’est donc tout naturel que la première grande exposition hors du Danemark se fasse à Paris…
 

Les éclatantes huiles sur bois de 1893, Dans le jardin de Skagen et Roses incitent à les adosser au Déjeuner sur l’herbe (1863). Il y a une parenté indéniable. Mais point de mimétisme, nous ne sommes pas dans le duel cubiste Picasso-Braque. Plutôt dans une contemplation de la Nature, et de son rendu. Au plus près des émotions, des mesures, des lumières, des éclats, de la musique, de la vie tourbillonnante. Un réalisme qui montre aussi avec brutalité la fureur d’une tempête, les vêtements usés des pêcheurs, le goémon et l’écume sur la plage.
C’est l’apogée de la peinture de plein air. Discipline académique depuis les années 1820, il n’en demeure pas moins que les artistes se contentaient d’établir leurs seuls croquis hors l’atelier. Il faudra attendre 1870 pour que les peintres danois pratiquent leur art in situ.

L’extraordinaire travail d’impression met ce catalogue au sommet des œuvres papiers témoignant de peintures. Tant il est rare de ressentir autant de sensibilités dans un livre, alors que d’habitude il faut être en face de la toile. Sans doute aussi est-ce dû au talent de Krøyer. Sa palette poétique est d’une telle finesse que l’on voit les gouttelettes glisser sur le dos des enfants. On entend l’oiseau dans le sous-bois… Un seul regard et l’on est imprégné de la magie du tableau.

Si vous n’avez pas réussi le parcours du combattant et que votre passe sanitaire est aux abois, l’exposition est prolongée jusqu’au 26 septembre. Sinon reportez-vous sur ce catalogue magnifique. Vous n’aurez pas tout perdu, bien au contraire…

 

Annabelle Hautecontre

 

Marianne Mathieu (sous la direction de), L’heure bleue de Peder Severin Krøyer, 115 illustrations couleur, 220 x 285, broché avec rabats et couverture enveloppante, Musée Marmottan-Monet/Hazan, février 2021, 224 p.-, 35 €

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