Le goût de la pluie et du beau temps, ou comment les caprices du climat ont inspiré poètes et écrivains

Après Le goût des animaux et Le goût des amours à Paris, deux opus parus dans l’élégante et riche collection "Le goût de", du Mercure de France, Brigit Bontour étudie dans ce nouvel ouvrage intitulé Le goût de la pluie et du beau temps la manière dont, en littérature, le climat et la météo influent singulièrement sur l’atmosphère des histoires, le caractère des personnages et leur évolution.

Sur le plan romanesque, le temps qu’il fait vient ainsi illustrer de façon symbolique les sentiments et émotions des protagonistes tout comme l’action. Soleil, pluie, neige, tempête rythment la fiction, imprimant leur marque sur les faits et gestes des héros et le déroulement des événements.

Orage d’été tonitruant chez Tolstoï dans Anna Karénine, canicule décisive chez Fitzgerald dans Gatsby le magnifique, somptueux et lumineux automne chez Thomas Man dans Paillasse, pluie bienfaitrice et revigorante chez Proust dans A la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, blanc manteau neigeux à l’image de la mort chez Yourcenar dans Le coup de grâce sont quelques-uns des textes sélectionnés par Brigit Bontour à l’appui de son propos.

De même, au sein des récits de la grande Histoire, l’auteure analyse comment la météo joue un rôle essentiel. Songeons à la bataille d’Azincourt où la pluie embourba les soldats français décimés par les Anglais, épisode que rappelle Francis Cabrel dans Azincourt et dont se souvient Shakespeare dans sa pièce Henri V. Pensons à l’affreux « Général Hiver » qui commanda la retraite de Russie relatée par Tolstoï dans La Guerre et la Paix. Remémorons-nous la boue des Flandres dans laquelle pataugèrent les misérables poilus dont Apollinaire décrit l’agonie dans son poème Calligrammes. Ou bien encore « le soleil de canicule en forme de gloire » mis en exergue par Paul Morand dans Fouquet ou le soleil offusqué.

Enfin, les soubresauts cataclysmiques (éruptions volcaniques, tempêtes, tsunami, incendies…), aussi soudains que grandioses, ont de tous temps inspiré des textes mémorables, à commencer par le Déluge dans la Bible, récit fondateur s’il en est, et dont, des siècles plus tard, s’empara Supervielle pour écrire L’Arche de Noé, roman puissant sur la condition humaine qui résonne à nos oreilles avec une acuité particulière en cette période de crise mondiale. Il en est de même du poème Ténèbres dans lequel Lord Byron raconte l’extinction du soleil en cette année 1816 où la fureur d’un volcan indonésien projeta dans l’atmosphère tant de poussières que le ciel planétaire en fut obscurci. Savourons encore la lettre de Fénélon vitupérant l’apathie de Louis XIV lors de l’hiver de 1693-1694 où la famine fit rage.
Avec la culture et l’intelligence qu’on lui connaît, Brigit Bontour nous offre ce florilège de textes, merveilleusement choisis et présentés par ses soins. Elle nous prend par la main pour nous emmener sur les traces de ces auteurs, connus ou moins connus, dont la plume a exalté les caprices du temps. Suivons-la en toute confiance. L’occasion, à la faveur de la trêve estivale, de découvrir ou redécouvrir à ses côtés ces trésors littéraires qu’elle a su dénicher pour notre plus grand plaisir.

 

Cécilia Dutter

 

Brigit Bontour, Le goût de la pluie et du beau temps, Mercure de France, mai 2021, 128 p.-, 8,20 euros

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