Faut-il en finir avec Sade ?

En finir, oui, une bonne fois avec cette perversion mondaine qui se complait à tout mélanger. Sade n’est pas un romancier : il se réclame de la philosophie, donc de la pensée, d’où l’urgence à le remettre à sa place, celle d’un monstre.
Le temps est venu de cesser de suivre aveuglément une certaine caste germanopratine qui n’a de cesse de refuser la réalité pour mieux déstructurer le sens des mots et tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, admettre que l’œuvre disposerait d’une autonomie quand, ne serait-ce pas plutôt le contraire ? C’est bien la vie de Sade – qui est tout sauf une fiction – en reflet exact de la définition du sadisme : le plaisir pris à la souffrance infligée à autrui. Alors une première question se pose : pourquoi jeter aux oubliettes les pamphlets antisémites de Brasillach et Céline, interdits de réédition, et célébrer Sade en le faisant entrer dans le cercle si policé de la Pléiade ? Si l’on suit le raisonnement de ces intellectuels de salon, pourquoi Bagatelles pour un massacre ne se trouve pas édité dans la prestigieuse collection ? Ont-ils oublié, tous ces zozos des plateaux de télévision, que de Sade découle en toute logique, Hitler ? Si Sade est un penseur d’avant-garde, alors le dignitaire national-socialiste pourrait faire figure de libérateur du genre humain : oser donner bonne réputation à Sade « constitue indéniablement une monstruosité intellectuelle », s’indigne Michel Onfray.
Tout débuta en 1909 quand Guillaume Apollinaire publia la première anthologie de textes avec une préface pour le moins… suspecte. Plus poète que critique – et encore moins historien – Apollinaire érige alors une légende que personne ne va oser remettre en question. Cela va se jouer dans le petit Paris d’alors, dans ce milieu littéraire, mondain et théâtral où les réputations se font et se défont au grès du vent : un seul homme va décider que Sade pourrait devenir la référence des cent années à venir, et comme l’humain est avant tout un mouton, les suiveurs vont lui emboîter le pas, profitant de la facilité offerte à utiliser ce que l’on nommerait aujourd’hui les éléments de langage, repris par Breton, Bataille, Lacan, Barthes, Foucault, Sollers, etc.
D’autant que la lecture des milliers de pages de « l’œuvre complète » ne prouvent en rien que Sade est un penseur libertaire (défendant la liberté de tous et de chacun, pas seulement la sienne !), mais plutôt qu’il célèbre la force, la violence, la brutalité, la soumission, la domination, le mépris pour ses victimes, et la jouissance de faire partie des bourreaux. Une seule phrase pourrait résumer tout Sade : « Se rendre heureux aux dépens de n’importe qui » (La Nouvelle Justine).

Et n’en déplaise à Michel Delon, Sade n’incarne pas le principe d’inquiétude et de dérangement : c’est bien au-delà de tout, de cette méchanceté gratuite qui façonne le monstre, de cette démence totale qui annonce le Diable à venir, Hitler ! Et Sade ne nous oblige en rien à le relire pour nous demander ce que lire veut dire (sic), quelle slogan minable, lire est tout sauf Sade, justement, même dans la difficulté car lire Sade relève plus du constat de delirium et de l’asile que de la littérature. Par contre, que Sade soit publié, acclamé, célébré, alors là, oui, il y a un problème sociétal qui dépasse la simple littérature (puisque Sade, ce n’est pas de la littérature !) et pourrait être taxé d’apologie au meurtre. Comment laisse-t-on Sade à la portée de tous alors que l’on combat les hooligans dans les stades et les dérives sur le Net ? Quelle hypocrisie…

Mais il n’est pas le seul : Elisabeth Roudinesco présente Sade comme un théoricien (sic) des perversions sexuelles. Posture obligée qui découle aussi du fait que Lacan affirmait dans Kant avec Sade que ce dernier « préparait la science en rectifiant l’éthique » pour « que la voie de Freud soit praticable ». Ne souriez pas, c’est très sérieux, enfin pour celles et ceux qui pensent encore que Lacan n’est pas un charlatan… Car d’une citation de Sade (« J’ai le droit de jouir de ton corps […] sans qu’aucune limite m’arrête dans le caprice des exactions que j’aie le goût d’assouvir ») il tente de l’associer à la doctrine de Kant (« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen »), prenant le lecteur pour un sot, car, le moins que l’on puisse en dire… c’est antinomique.
Puis ce sera Foucault, dont la vie personnelle pour le moins
agitée aura certainement influencée son travail, qui décrète que la déraison
devint raison nihiliste transfigurée en nouvelle divinité d’après la mort des
deux en Mai-68. La folie devient donc la norme et la société fut déclarée folle
(sic). Posture, encore, mais qui
ouvre un champ illimité permettant d’enfiler les poncifs jusqu’à légitimer Sade
par l’avènement du lecteur créateur du sens de l’œuvre sans se soucier de ce
qu’à voulu dire l’auteur... Comme c’est facile alors de tresser des couronnes
au marquis ! Quand Pasolini rappelle l’évidence : Sade = sadisme =
nazisme, Foucault récuse d’un revers de main.
Leiris puis Queneau reprendront le combat, ce dernier se demandant ce qui a façonné moralement et philosophiquement le nazisme, si ce n’est Sade… Horkheimer et Adorno enfonceront le clou : oui, Sade préfigure le nazisme parce qu’il célèbre « le bourgeois libéré de tout type de tutelle ; qu’il nie l’intersubjectivité amoureuse au profit de la jouissance corporelle autiste ; qu’il inscrit son libertinage dans la droite ligne catholique en divinisant le péché ; qu’il hiérarchise les êtres en forts et en faibles, puis sépare les femmes des hommes comme les juifs des chrétiens ou les colonisés de leurs colons. »
Sade prépare le nazisme car il critique la pitié.
Éric Marty (dans Pourquoi le XXe siècle a-t-il pris Sade au sérieux ?) place Sade comme le chaînon manquant entre Kant et Auschwitz (48) ; puis, page suivante : « Hitler est déjà chez Sade. »
Et Camus (dans L’Homme révolté) parachève la remise en perspective du monstre : « Assurément il a souffert et il est mort pour échauffer l’imagination des beaux quartiers et des cafés littéraires. Mais ce n’est pas tout. Le succès de Sade à notre époque s’explique par un rêve qui lui est commun avec la sensibilité contemporaine : la revendication de la liberté totale, et la déshumanisation opérée à froid par l’intelligence. […] Sade a exalté les sociétés totalitaires au nom de la liberté frénétique que la révolte en réalité ne réclame pas. […] Notre temps s’est borné à fonder consciencieusement son rêve de république universelle et sa technique d’asservissement. »
Penchons-nous sur l’Histoire de la Révolution française de Michelet, on y découvre un travail historique qui s’appuie plus sur la preuve que le mythe et qui, en quelques pages, décrit « l’infâme et sanguinaire auteur » (IV. VIII) qui est alors définitivement rayé des cadres, jugez-en plutôt : naissance aristocratique, violences sexuelles, achat du silence de ses victimes, empoisonnements, crimes sexuels réitérés, embastillement pour ces voies de fait, compagnonnage avec les royalistes, révolutionnaire par opportunisme, palinodie, philanthropique à la section des Piques, démasqué par les révolutionnaires qui découvrent son jeu, sauvé par thermidor (et par les manigances de sa maîtresse…). Les jeux sont faits !
Mais alors, pourquoi la supercherie continue-t-elle ?
Soyons sérieux et honnête trois minutes : qui a lu Sade ? Personne ! C’est une mode, cela fait bien de l’avoir dans la bibliothèque, d’en parler dans les dîners en ville, de copier/coller « le commentaire livré par la cléricature littéraire – Apollinaire en pape des lettres ! », c’est si facile rappelle Michel Onfray, certainement plus que de le lire réellement car… cela rend malade. Oui, littéralement, physiologiquement malade, Annie Le Brun l’avoue aussi : lire Sade donne la nausée, retourne les sens au point que votre déjeuner finira dans la cuvette des toilettes. Alors, est-ce cette image-là qui doit véhiculer la liberté (au point de vouloir célébrer le 2 décembre 2014 le bicentenaire de sa mort ?), cet homme-là sensé être le modèle de vertu sociétale à offrir aux nouvelles générations au point d’organiser des expositions dans un lieu aussi symbolique que le musée d’Orsay ? Jusqu’à son titre, voire son clip, qui, une fois encore, détourne le sens même de Sade, car sa seule préoccupation était de pouvoir décharger, avilir, salir, et non, justement, accomplir une sexualité solaire et participative dans le respect commun.
L’article paru dans La tribune de l’art donne le tournis : Denis Rykner affiche une suspecte complicité (lui non plus ne l’a pas lu ?) et trouve « amusante » la chronologie dont « la lecture laisse à penser que ce pauvre marquis (sic) fut persécuté toute sa vie injustement et qu’au fond c’était un gentil garçon. » La supercherie s’affichant d’ailleurs ouvertement puisque l’exposition a pour ambition de « montrer comment l’œuvre de Sade a induit une part de la sensibilité du XIXe siècle ». À quand une rétrospective à Orsay sur l’art dégénéré du IIIe Reich qui montrera combien Hitler a induit une part de la subtilité mortifère du XXe siècle ?
Il n’y aurait pas assez de violence en ce monde ? La femme n’est pas assez prise pour un déversoir des haines et des frustrations de millions de cinglés abrutis par la privation économique et religieuse ? Responsables et coupables, tous ces illuminés qui chantent les louanges d’un monstre, qui font l’apologie de la haine de l’autre, oui, et cela n’a plus rien à voir avec une œuvre littéraire mais devient un phénomène de société qui dépasse le cadre culturel. Car, mis à part quelques rares malades au pouvoir intellectuel suffisant pour se délecter, seuls, de ces abominations en se soulageant dans un mouchoir, la grande majorité décérébrée aux images numériques ira se vautrer dans la complaisance et la justification de leurs penchants en passant à l’acte (200 viols par jour en France, et 2000 agressions !), et qui ira vérifier dans les angles morts de notre société urbaine ce qui va encore se passer, comme si l’on avait besoin de (re)mettre de l’huile sur le feu…
Car la folie intellectuelle a atteint un tel degré de cynisme et d’auto-complaisance que parcourir l’étendue du désastre est scandaleusement incroyable : Sade icône, Sade subversif, Sade à la Sorbonne, Sade en papier bible, Sade dans les colloques, Sade à Cerisy (sic). Est-ce à dire que les matières fécales, le sperme, le sang, la mort, la bave, l’urine sont devenues « l’or des bateleurs d’amphithéâtre » ? s’insurge Onfray… Diantre, mais dans quel monde sommes-nous ?!
Par l’acceptation de Sade, l’on en vient à admettre que d’autres malades mentaux entrent au panthéon des Lettres : dès lors, voir Bataille qui verse réellement son sperme sur le cadavre de sa mère, n’est plus un geste abject, dépravé et infâme mais l’expression d’une « vie intense », un geste sacré, transgressif… En faisant entrer Sade dans nos vies l’on détruit les dernières barrières, les seuls repères qui permettent de tenir debout, de maintenir un semblant d’ordre moral, ce petit quelque chose qui nous différencie du monstre…
La supercherie de l’après Mai-68 achèvera le travail, avec notamment Barthes qui, dans Sade, Fourier, Loyola, poussera la supercherie intellectuelle jusqu’à nous dire que Sade c’est avant tout un discours, une langue, rien que des mots et que s’il décrit un viol, une incision au couteau il ne faut pas y voir un viol ou une incision au couteau, hé bien oui, mais où avais-je la tête, quel benêt je suis, il faut y voir, ici une métaphore, là une asyndète, ailleurs une anacoluthe. Le réel n’existe pas, c’est bien trop trivial : ce ne sont que des figures de rhétorique… Je ne suis pas certain que les victimes aient bien saisi le sens de la métaphore, mais plutôt senti la violence du viol ou la brûlure du couteau, ça oui…
Bertold Brecht disait : « Le ventre n'est pas mort d'où est sortie la bête immonde.» Le bas-ventre non plus. Que les femmes et les hommes lisant Sade ne l'oublient pas.
S’il y a bien un complexe judéo-chrétien qui nous enferme
dans une érotique nocturne, ce n’est pas en nous inoculant le mal sadien que
l’on sauvera l’humanité, bien au contraire ! C’est en construisant un éros
solaire, donc libertaire et léger, réellement postchrétien en adoptant la
doctrine de Charles Fourier, l’auteur d’un Nouvel
Ordre amoureux, l’anti Cent Vingt
Journées de Sodome. Il y légitime toute sexualité, pourvu qu’elle soit
voulue, consentie, contractuelle. On s’extrait alors complètement du carcan
chrétien.
À l’aube du XXIe siècle il est temps d’en finir avec les
corps maltraités et d’enfermer à jamais les cris de Sade sous une chape d’oubli…
François Xavier
Michel Onfray, La passion de la méchanceté – Sur un prétendu divin marquis, Autrement, août 2014, 188 p. – 13,00 €
Annie Le Brun, Soudain un bloc d’abime, Sade, Folio, septembre 2014, 352 p. – 8,40 €
Sade, Justine et autres romans, édition de Michel Delon et Jean Deprun, préface de Michel Delon, Gallimard, octobre 2014, coll. "bibliothèque de la Pléiade", 1152 p. - 22 illustrations, relié pleine peau, 60.- €
Ce volume contient :
Les Cent Vingt Journées de Sodome ou L'École du Libertinage, Justine ou Les Malheurs de la vertu, La Philosophie dans le boudoir
16 commentaires
Affirmer que Sade a initié le nazisme, me fait sourire ...comme si l'Histoire n'avait pas expérimenté les exterminations, les tortures, et nombres d'autres crimes avant lui... cette influence est évidemment impossible à prouver c'est donc vain de l'affirmer. C'est ainsi depuis la nuit des temps, l'homme se complaît à nuire à l'homme et surtout à la femme bien sûr. Quant aux autres cultures qui n'ont pas connu Sade, sont-elles exemptes de tels agissements ? Bien sur que non...
"Soyons sérieux et honnête trois minutes : qui a lu Sade ? Personne ! " Cela me paraît bien péremptoire. A moins qu'autour de vous FX cette lecture ne se présente pas, mais de là à généraliser... Et s'appuyer sur Onfray, qui trouve très mode de démolir des statues quand le projecteur est dessus, est aussi aventureux.
Paladru • il y a 2 jours
"Le divin marquis serait-il en passe de devenir un auteur normal ?"
C'est bien là encore une de ces questions de petit salonnard parisien vivant à la surface des choses et des livres... Si par "sadisme", vous pensez gangband ou bondage, ou cuirs de chez Vert Baudet, ce genre de plaisirs érotiques pour colonies de vacances, je vous réponds oui, le divin marquis est un auteur normal.
Mais en réalité, les personnages de Sade sont de très grands malades qui n'arrivent à mouiller et bander qu'à condition d'occire leurs prochains après leur avoir fait subir les pires tortures : telle marquise tue sa propre mère à la fin de La Philosophie dans le boudoir, après l'avoir fait torturer et violer plusieurs fois et lui avoir pissé dessus, tandis qu'elle se fait elle-même sodomiser sous les yeux de son agonisante génitrice ; dans Les Prospérités du vice, un duc et sa maîtresse empoisonnent un puits pour anéantir, par pur plaisir érotique et gourmand, la population de plusieurs villages, avant de se remettre à troncher. Etc., etc. A côté de ces personnages, les égorgeurs du désert irakien sont des enfants de choeur.
Pour faire intello, dites à la rigueur que Sade était un visionnaire annonçant cent cinquante ans à l'avance ce qui allait se passer dans l'enfer des camps de la mort et d'extermination du XXe siècle entre congénères de la même espèce humaine. Mais ne laissez pas entendre qu'il avait un petit côté piquant, affriolant, émoustillant, ou ce genre de connerie.
Ce que ça peut être futile et bête, tout de même, un bobo parisien.
@ Paladru : je n'ai pas lu ici que quelqu'un ait supposé que les textes de Sade étaient , je vous cite "piquants, affriolants, émoustillants,". Et d'ailleurs personne n'a "défendu" cet écrivain. Il fait simplement partie du paysage littéraire, c'est indéniable, et libre à tout le monde de le détester, mais il n'est pas pensable de le mettre aux oubliettes et de passer à la blanchisseuse le monde des Lettres. Ou alors ça porte un nom, cette posture...
Mais bien-sûr puisque le chat noir à "copier/coller" un commentaire (intéressant) de Paladru !!! Personne qui parle de Sade en semblant connaître l'oeuvre...
Je n'arrive toujours pas à comprendre le manque d'humilité de certain(e)s (quand en balayant devant leur porte elles/ils verraient déjà les tonnes de fautes d'orthographe qui jalonnent leurs chroniques) à propos soit de "collègue(s)" ou d'auteurs nettement plus talentueux que leur petite personne.
Comment AB peut-elle sourire par rapport au fait que Sade ait initié le sadisme : est-elle plus intelligente que Pasolini et Camus, qui l'ont affirmé ? Et LDS qui trouve "aventureux" de s'appuyer sur Onfray : mais qu'a-t-il écrit de si impérieux LDS pour ose juger un philosophe tel que Michel Onfray ?!
Plus sérieusement, dans Le Point, Franz-Olivier Giesbert, lui, en toute honnêteté intellectuelle, reconnaît le travail de "salubrité publique" du philosophe :
Le jour où sera décerné à Oslo ou à Stockholm un prix Nobel du courage et de la témérité, gageons qu'il sera attribué à Michel Onfray, l'anti-mythe de la philosophie, auteur d'une oeuvre abondante où, à côté de célébrations comme celles de Nietzsche ou de Camus, figurent quelques démolitions qui resteront dans les annales.
Après Freud, Sartre, Heidegger, Debord et tant d'autres, voilà qu'Onfray passe à la broyeuse l'une des idoles de l'intelligentsia du XXe siècle.
La preuve ici :
http://www.lepoint.fr/livres/onfray-passe-sade-a-la-broyeuse-21-10-2014-1874343_37.php
Je ne ponds pas d'oeuf mais je me sens bien placé pour juger d'une omelette
Jacques Géraud @ François Xavier
Non @Loïc, je ne défends pas systématiquement FX mais je respecte son point de vue (même si parfois je ne suis d'accord avec lui), ce qui n'est pas le cas de certains roquets ; et donc je n'aime pas ce sentiment d'injustice et de mépris quand on ne pense pas comme vous : quid de la liberté d'expression ?! Et comment justifiez-vous d'avoir enlevé son article sur Heidegger ? Plusieurs retours d'amis prof de l'université de Fribourg et Zurich (l'ayant lu, eux, et dans le texte !) m'ont rapporté leur intérêt pour cet article. Et ne vous en déplaise - et je suis bien placée pour le dire - Heidegger n'est pas antisémite. Bref, il semble y avoir deux poids deux mesures, c'est cela qui est gênant et qui discrédite l'image du journal...
Belle empoignade, ma foi. assez intéressante, comme toutes les fois où un auteur prend le contrepied du prêt à penser dominant. Il n'est pas anodin que le sujet en soit l'oeuvre de ce malade mental de Sade. Ne couinez pas , ma chère Anne, ce n'est pas moi mais la médecine qui a décidé que ce type était cinglé, au point de donner son nom à sa maladie, ce qui n'est pas courant (on baptise habituellement la maladie du nom du toubib qui la décrit pour la 1re fois, pas au nom du malade... c'est dire le niveau médical atteint)
Donc, une fois n'est pas coutume, je ne saurais trop féliciter FX d'avoir relayé ici le bon sens de l'analyse d'Onfray-un auteur qui m'insuporte pourtant habituellement, mais qui ici déconstruit efficacement le snobisme élitiste qui entoure ce mauvais écrivain.
Car la vraie question, sur laquelle je me suis déjà opposé aux sadiens du site, est la suivante : Pourquoi les intellos sorbonnards et le monde de l'édition ( souvent du même bord ) ont-ils- fait de ce type le pape de la libération sexuelle façon Mai-68, alors que son système de pensée vise justement à un assujettissement de ses partenaires-et victimes- à ses propres volontés, c'est-a-dire le contraire de la vraie liberté sexuelle?
Je ne ferai pas l'injure aux fans de Sade de penser qu'ils prennent véritablement du plaisir littéraire (ou sexuel) à lire des descriptions immondes d'éventration de bébés ou d'empalement de vieillards. Ni qu'ils en font sans rire un philosophe de premier plan ("Théologiquement, Sade se met dans la position de l'Antéchrist"sic ).
Ils doivent donc avoir une autre motivation , et il en faut pour se fader ce tombereau d'ordures sans vomir.
Mon opinion, c'est que le fan club sadien, (qui compte sur Paris 20 membres ayant vraiment lu Sade et 200 qui ont fait semblant), ne fonctionne que par un amour déréglé de la provocation, une immoralité de posture, un snobisme de la transgression, "rebellitude" factice mais valorisante dont il est plus facile de se prévaloir dans les salons parisiens en sirotant un cocktail, que dans les vraies banlieues hooliganières rebelles de Seine St Denis.
Ce n'est pas bien nouveau, ni grave, le monde des lettres est coutumier de ces chapelles de fans, habituellement dédiées à un auteur étranger ("comment, vous n'avez pas lu Buckowski en version originale ??") ou à des auteurs sulfureux (Céline, Gide, Drieu), chiants (trop de noms), ou carrément inconnus car n'ayant même pas encore publié. Mais là, c'est plus grave : que ces textes à ne pas mettre entre toutes les mains soient publiés à la Pleiade, et mis ainsi au niveau littéraire de Molière, Racine, Voltaire, Goethe, Platon, Descartes, etc... est profondément inquiétant. Mais révélateur de la déliquescence du monde de l'édition, qui ne fonctionne plus que par "coups" de préférence provocateurs .
On finira, puisque, maladie de l'époque, tout est désormais de l'Art, par y publier des rapports d'autopsie, les récits de Valérie T. , ou le synopsis de Secret Story. Net avantage sur Sade, ça sera moins vomitif.