Une Renaissance américaine : les 30 glorieux

 

Les critiques français aiment regrouper leurs interviews de cinéastes américains. Il y eut Éric Leguèbe (Confessions, 1995), Bertrand Tavernier (Amis américains, 2008), il y a désormais Michel Ciment. Pour ceux qui ne connaitraient pas ce spécialiste, rappelons qu’il fut rédacteur de la très peu primesautière revue Positif, qu’il œuvre sur les ondes pour Le Masque et la plume et pour France Culture. Un sérieux. Qui connait le cinéma américain comme s’il l’avait fabriqué lui-même. Respect.

Dans cet ouvrage, il réunit trente interviews, donc trente cinéastes. Des plus connus (Allen, Eastwood, Kubrick, Lucas, Stone, Tarantino…) au presque oubliés (Barbara Loden, seule femme du groupe, n’a réalisé qu’un seul film Wanda). Du beau monde, donc, qui répond avec franchise à des questions éminemment précises. On peut s’étonner des absents (Spielberg ?) mais cela n’a pas grand intérêt.

L’originalité du livre réside dans le fait que toutes ses rencontres sont « dans leur jus », comme on dit maintenant. C’est-à-dire qu’elles sont d’époque. Un véritable voyage dans le temps. Celle de George Lucas, par exemple, date de la sortie de La Guerre des étoiles et apporte un éclairage nouveau sur ses motivations et ses souhaits ; celle de Robert Zemeckis (au moment de la sortie de Forrest Gump) annonce avec clairvoyance l’ère du numérique. Nous voici transportés vingt, trente ans en arrière avec des réalisateurs qui avaient des choses à dire et à filmer. Pas sûr que certains d’aujourd’hui trop préoccupés par les effets spéciaux et une rentabilité à tout crin, tiennent les même discours.

Le handicap du livre est que la plupart de ces interviews tournent autour d’un film : celui que ces messieurs sont censés promouvoir. Si l’on n’a pas vu le susdit ou si on l’a oublié, les propos perdent forcément de leur suc. Mais on a le droit de zapper ! Par contre si, comme moi, on se passionne pour Les 3 jours du Condor, on savoure les propos de Sidney Pollack ! Parfois, disposant sans doute de plus de temps, Ciment réussit à étendre l’interview sur l’ensemble de la carrière ou, au moins, sur le parcours de la personnalité depuis son enfance.

Le principal est que cette Renaissance américaine constitue un formidable boulot donc un atout précieux pour toute personne s’intéressant un tant soit peu au cinéma américain, son évolution, ses créateurs. Les questions sont souvent techniques (Michel Ciment nourrit une passion sans borne pour les directeurs de la photo !), jamais anecdotiques (ne vous attendez pas à des potins de tournage ni à des règlements de comptes contre des acteurs capricieux !). Avec passion, apprend-on la genèse des films depuis la naissance de l’idée jusqu’à la fin du tournage en passant par les rapports, souvent conflictuels, avec les producteurs. Même le plus pointu des cinéphiles apprendra beaucoup à la lecture de ce livre.

Nous n’avons jamais fini d’explorer les méandres du cinéma américain, Michel Ciment nous le prouve avec vigueur.

A quand Une Renaissance française ?

 

Philippe Durant


Michel Ciment, une Renaissance américaine, Entretiens avec 30 cinéastesNouveau monde Editions, avril 2014,

509 pages, 25€


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