Le Bien et ses Saints : Paul Ardenne

Dès le début du livre tout est en place : Le Bien n’a pas de sexe. C’est pas une robe un jour et un pantalon un autre jour, le Bien. C’est unisexe, le Bien avec majuscule. Tu le sers, le Bien, la Bien, que tu portes une paire de couilles ou que tu portes des seins c’est idem [...] Tu vas au Bien avec majuscule comme l’eau du fleuve Charente va à la mer.
À partir de cette pétition de principe quatre amis d’un village perdu du sud-ouest de la France décident tels les trois Mousquetaires de servir la cause du bien. Du Bien avec une majuscule.

Le quatuor multiplie les bonnes actions sans jamais se ménager. Et ce jusqu'au paroxysme dans ce qui devient leur combat et leur religion. Devenus adultes ils s’engagent dans le SSA, le Service de Santé des Armées. Ils sont adoubés soignants en uniformes, "Pro Patriae et Humanitate".
Mais c'est là que le bât blesse. Leur amour absolu du Bien et de la « soignure » tourne au carnage. Ils deviennent des anges exterminateurs hors de contrôle. Et ce livre écrit durant le Grand Confinement du printemps devient un miroir sur fond de mise en danger universel de la vie humaine - et pas uniquement au nom de la pandémie.

Le roman prend la forme d’un rapport des minutes de l’entretien avec ses juges qu'un des 4 "sauveurs" moralistes – Georges O. – effectue en prouvant qu'il ne peut y avoir d'exception à la règle que les combattants se sont fixés.
Le narrateur a préféré supprimer les questions car elles n’apportent rien sinon révéler mon état d’hébétude , écrit-il à la fin de son état des lieux. Il illustre de facto qu'il n'existe pas de degrés dans la monstruosité. Ce qui n'empêchera pas à Georges O de finir sans avoir quitté son mitard. Mais il restera innocent à ses propres yeux. 
Pour lui comme pour ses comparses, pas besoin de chercher midi à quatorze heures. Seul leur "droit" compte. Ses accidents de parcours et le sang qui coule pour le défendre resteront lettres mortes. Ils demeureront donc émissaires du Bien le plus pur. Et ça fait froid dans le dos.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Paul Ardenne, L’ami du Bien, Le Bord de l'Eau, Bruxelles, octobre 2020, 128 p.-, 15 €

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