OZ : Une dose de magie

Le Magicien d’O, réalisé par Victor Fleming, est considéré comme un « grand classique ». Non comme un chef d’œuvre. Personnellement – hormis une ou deux chansons dont Over the Rainbow – j’exerce ce film, dégoulinant de sentiments sirupeux, de personnages ridicules (le crétin en fer blanc et le lion couard !). Pour tout dire, je le trouve malsain. D’ailleurs la France ne l’a jamais intégré dans ses films-cultes. Lors de sa sortie en juin 1946, il ne totalisa que 737.000 entrées sur l’Hexagone et, depuis, ne passe pas en boucle à la télévision. Le Magicien d’Oz n’est pas et ne sera jamais Mary Poppins !


Par contre, les Américains l’ont placé sur un piédestal, ce qui ne les a jamais empêchés d’en faire des remakes (dont une version avec le jeune Michael Jackson). Cette fois il ne s’agit pas d’un remake mais d’une pré-histoire, puisque nous montrant l’arrivée du magicien dans le monde d’Oz. Un magicien un peu gauche qui doit sauver les gentils habitants d’une tyrannique femme et d’une (forcément) méchante sorcière. Le tout réalisé par Sam Raimi, plus habitué au monde des super-héros et des araignées humaines.


« Je suis un fans du film de Victor Fleming, déclare-t-il, et quand j’ai appris qu’existait un scénario évoquant une sorte de prequel à cette histoire, je me suis dit que jamais je ne toucherai à ça. J’avais trop peur de la comparaison. En fait, à l’époque je cherchais un scénariste pour un autre projet. On me parle de Mitchell Kapner, celui-là même qui a écrit ce prequel. Il m’a donné à lire son histoire et je suis tout de suite tombé amoureux des personnages. Toute la peur qui m’habitait a disparu comme par enchantement. Quand on tombe amoureux, on trouve le courage de tout faire. Moi j’ai eu le courage, un peu téméraire, d’approcher le monde d’Oz. C’était d’autant plus difficile que je ne connaissais rien à la 3D, que je devais créer un univers très complexe. Tout cela m’a entraîné dans un processus très long. »


Le premier stade consista à l’élaboration d’un casting. Plus question d’une gamine flanquée de son chien s’ennuyant dans un trou du Kansas, mais d’un jeune homme, piètre magicien et coureur de jupons qui se retrouve dans un monde extraordinaire après avoir traversé une tempête.


« Nous avons pensé à des acteurs comme Robert Downey mais il était trop occupé, confie Raimi. Un ami m’a proposé James Franco, que je connais très bien puisque j’ai tourné avec lui les trois Spider-Man dans lesquels il jouait Harry Osborn. J’ai trouvé qu’il a l’essence du personnage, ses qualités et ses défauts. Quand j’ai connu James, il n’avait que 22 ans. C’était un jeune homme un peu prétentieux, imbu de lui-même, communiquant peu, qui pensait plus aux filles qu’au cinéma. Et je l’ai vu évoluer. Il s’est affirmé avec les années, est devenu plus mature, plus conscient des difficultés de son métier. Sur le troisième film que nous avons fait ensemble, je l’ai trouvé très généreux. Il a fait un long voyage pour en arriver là. Exactement comme Oscar Diggs, le personnage d’Oz. En me rappelant l’évolution de James, j’ai retrouvé ce magicien un peu charlatan qui finit par devenir quelqu’un de généreux. Pour moi un grand acteur doit d’abord avoir l’essence du personnage. »


Face à ce magicien, trois femmes. Deux brunes, une blondes. Deux sœurs, une orpheline. Laquelle deviendra la fameuse sorcière verte au nez crochu du Magicien d’Oz ?


« C’est une histoire sur le courage, sur un homme qui se cherche. Bien sûr j’ai un vilain effrayant. Un héros doit avoir un méchant digne de lui. Ici, la méchante fait peur avec des forces obscures. Ceci dit, je n’ai eu à modifier le scénario, ni même ma mise en scène pour entrer dans les critères du studio Disney. Au contraire, mon propre challenge était de faire un film familial. Je voulais savoir si j’en étais capable. Donc j’ai retenu ma tendance à l’horreur tout en restant fidèle à l’histoire. J’ai mis de côté mon horrible méchanceté personnelle ! »


Avant de se lancer dans l’aventure d’un tournage «fantastique », Sam Raimi révisa ses classiques. Relecture de l’œuvre initiale de Lyman Frank Baum. Revisionnage du film référence.


« Revoir le film de Fleming fut une grande expérience, dit-il. J’ai beaucoup apprécié l’ambiance. Mais ce fut très différent du souvenir que j’en avais gardé. Je me suis retrouvé dans une phase de confusion. Alors, je me suis dit qu’il était inutile de m’en inspirer et j’ai proposé ma propre vision du monde d’Oz. Il reste quand même un hommage à Fleming avec le début du film en noir et blanc. La 3D y est présente mais de manière différente du reste du film. Je ne voulais pas que la première partie fasse trop plat alors j’ai utilisé une sorte de 3D minimale. Quand on arrive dans Oz, on passe du son mono au son stéréo, puis à un son sensurround avec orchestre et chœur, l’écran s’agrandit, etc. On est dans le monde de la deuxième chance où l’on entend et l’on voit mieux. Tout cela constitue, effectivement, une sorte d’hommage au premier film. »


Orchestre et chœur sur une musique signée Dany Elfman, dont il fut dit qu’il était plus que fâché avec Sam Raimi.


« Nous avons une relations passionnelle Dany Elfman et moi. Une véritable histoire d’amour, bagarres y compris. Nous sommes deux passionnées et c’est vrai que nous étions entrés en guerre l’un contre l’autre. Il était furieux contre moi et j’avoue qu’il avait sans doute raison. Quand ce projet m’est arrivé, j’ai compris que je ne pourrais jamais le faire sans lui. Pour moi, la musique doit apporter une émotion supplémentaire et Dany serait le compositeur idéal. Un compositeur est comme une femme qui vous connait bien et met à jour ce que les autres ne voient pas en vous. Je l’ai supplié, il m’a pardonné. »


Résultat : autant je n’aime pas Le Magicien d’Oz, autant j’apprécie Le Monde fantastique d’Oz. Paradoxe ? Non car Sam Raimi a injecté de l’humour, du dynamisme et a su créer un univers – visuellement assez proche de celui d‘un Tim Burton dans Alice au pays des merveilles - qui, contrairement à celui de Fleming, n’a rien de mièvre.


Seul bémol : pourquoi diable ce magicien sous-entend-il que Thomas Edison a inventé le cinéma. Dites-nous, M. Raimi, qui est l’inventeur de cet art qui est le vôtre ?


« Quand je suis à Paris, je dis que ce sont les frères Lumière ! Oscar Diggs n’a pas une connaissance pointue du cinéma. Comme beaucoup, il se contente du fait que Thomas Edison a développé le cinéma en Amérique, comme une sorte de franchise. Il ne sait pas qui l’a inventé. Personnellement, je suis un grand fan des frères Lumière. Je pense avoir le même amour du cinéma qu’eux : capter la réalité et la reproduire. A chaque fois cela tient du miracle. C’est pourquoi magicien et cinéaste sont proches : nous avons nos propres secrets et nous nous servons de l’imagination des spectateurs pour compléter l’histoire. Nous possédons le même avantage sur les autres : nous connaissons la fin de notre histoire ! Quand j’étais jeune, je faisais des tours magie pour des anniversaires et des gouters, aujourd’hui je fais des films… Mais je tiens à préciser que je reste à disposition pour les gouters d’enfants ! »


Pour les trop nombreux Français qui n’auraient pas encore découvert les écrits de Lyman Frank Baum, sort un premier volume du Cycle d’Oz. Il réunit deux romans : Le Magicien d’Oz et sa suite, Le Merveilleux Pays d’Oz. Le premier tourne autour de Dorothy qui découvre un monde étrange, le deuxième de Tip, jeune garçon contraint de servir la sorcière. Tip s’échappe et découvre un autre aspect d’Oz. La saga d’Oz compte plus de dix volumes qui, tous, seront édités dans leur intégralité. Le prochain paraitra à l’automne 2013 avec Ozma du pays d’Oz et Dorothy et le magicien au pays d’Oz. (Le Cycle d’Oz, volume 1. Le Cherche-Midi, 400 pages, 18 e).


Philippe Durant


LE MONDE FANTASTIQUE D’OZ

Sam Raimi

Avec James Franco, Mila Kunis, Rachel Weisz, Michelle Williams

2h07 

Sortie 13 mars 2013


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